Tryptique+remember Yorktown / réddition / Cheesapeake

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17 juillet 2020

Soyons vraiment musulmans : rendons la basilique Sainte-Sophie à nos frères chrétiens.


Soyons vraiment musulmans : rendons la basilique Sainte-Sophie à nos frères chrétiens

 

 
PHOTO MURAD SEZER / REUTERS



 
Par Morad EL HATTAB, essayiste et géopolitologue.
Conseiller expert en investissements stratégiques et en intelligence économique.
Diplômé de l’Académie des Arts, des Sciences et des Lettres.








Monsieur le Président de la République de Turquie,

Cher Monsieur Recep Tayyip Erdoğan,


Je m’adresse à vous aujourd’hui dans un contexte de tensions géostratégiques graves, dans lesquelles la Turquie, que vous présidez, se trouve impliquée.

Depuis 2003 et votre arrivée au pouvoir, vous êtes parvenu à faire de votre pays un acteur important aujourd’hui, tant au niveau économique, géopolitique, que culturel. Vous avez pu tirer parti de circonstances économiques favorables, mais c’est sous votre mandature que la Turquie a regagné un niveau de puissance qu’elle n’avait plus connu depuis la fin de l’Empire ottoman. Cette réalisation vous honore, et vous fera rentrer dans l’Histoire comme l’artisan du retour de la Turquie sur la scène internationale.

Certes, nous aurions certains désaccords concernant la Libye, dans laquelle votre armée se trouve aujourd’hui engagée. Vous êtes en train d’y jouer un rôle qui pourrait potentiellement se retourner contre la Turquie, ce qui serait dommageable pour l’intégralité de votre œuvre présidentielle et du rôle que vous allez laisser dans l’Histoire.

L’action de la Turquie en Libye devient en effet problématique, parce qu’elle agit à contre-courant d’une entente entre plusieurs nations majeures de notre monde. Pour plusieurs raisons historiques, vous devriez plutôt être aujourd’hui au chevet de la Libye, œuvrant pour la paix en mémoire de feu Mouammar Kadhafi. Le Guide libyen vous avait d’ailleurs décerné le Prix des Droits de l’Homme libyen en novembre 2010, en l’honneur de votre action au soutien de Gaza. Et surtout, il vous avait auparavant octroyé plus de 30 milliards de dollars sous des formes diverses, avec l’accord des États-Unis, pour vous aider à accéder au pouvoir, ce qui joua aussi un rôle indéniable dans l’essor économique de la Turquie, et vous le savez. Dès lors, et connaissant la situation terrible pour la population civile libyenne, la Turquie pourrait œuvrer pour la paix et se positionner ainsi comme le seul pays musulman crédible à la fois au Moyen-Orient et en Méditerranée. Une telle attitude signerait le grand retour de la Turquie dans le concert des nations, et lui donnerait une voix durablement crédible pour les décennies à venir.


 Prenant acte de ce désaccord entre nous, et espérant vous voir revenir à plus de raison dans ces mois prochains, sachez que je serai pour ma part toujours aux côtés de Saïf al-Islam Kadhafi, qui est pour moi un frère. Il représente aujourd’hui le seul véritable espoir d’une solution politique et d’un retour à une paix durable pour la Libye, et a été désigné comme tel par le Conseil suprême des tribus libyennes.

Mais l’objet principal de ma lettre aujourd’hui concerne votre décret malheureux visant à transformer la Basilique Sainte Sophie en mosquée ce 10 juillet 2020.

Du fait de sa situation stratégique, votre pays a en effet été mêlé à trois crises géopolitiques récentes majeures : en Syrie, en Libye et en Ukraine. La Turquie a en fait été poussée à s’impliquer dans ces crises, à une époque où les États-Unis se livraient à un aventurisme belliciste au Moyen-Orient. Mais c’était avant tout parce que les États-Unis eux-mêmes subissaient la plus grave crise politique depuis leur naissance, sous la forme d’une tentative de détournement de la République américaine par une cabale interne, de la part de ce que nous appelons aujourd’hui l’Etat profond. C’est ce même Etat profond qui depuis les Etats-Unis, a poussé la Turquie à plusieurs reprises, à se livrer à des provocations qui auraient pu aboutir à une nouvelle guerre mondiale, notamment en Ukraine et en Syrie...

Cependant, des changements majeurs ont eu lieu entretemps, et non le moindre : la restauration de la République américaine par les patriotes américains. Ces changements ont abouti à une désescalade générale au Moyen-Orient, réduisant peu à peu les tensions et rendant possible une nouvelle entente entre les nations afin d’éviter une guerre générale. Or, la Turquie n’a certainement pas encore pris la mesure de ces changements, et se retrouve encore aujourd’hui impliquée dans une logique d’escalade inopportune, alors que la situation autour d’elle a changé entretemps. C’est dans ce contexte que survient votre décision toute récente de conversion de la basilique Sainte-Sophie en mosquée. Et dans un contexte de désescalade générale, c’est donc la Turquie qui se place, seule, dans une logique conflictuelle qui pourrait grandement nuire à son avenir.


 
En ce sens, en tant que descendant d’Ali Ibn Abi Taleb (qu'Allah l'agrée), gendre et cousin du Prophète Muhammad (Salallahu ‘Alayhi Wa Sallam), je prends aujourd’hui position pour vous signifier ma désapprobation face à votre décision récente, prétendant transformer la basilique Sainte-Sophie en mosquée. Mais l’importance de cette décision et sa dangerosité ne peuvent être comprises qu’en évoquant l’Histoire méconnue des relations entre l’Islam et la Chrétienté, et le rôle souvent malheureux qu’y a joué la Turquie.

Par opposition à cette décision que je considère comme malheureuse, et qui pourrait être prise comme une provocation, il convient donc de revenir aux fondements historiques des relations entre l’Islam et la Chrétienté.
 

L’absurdité de toute opposition frontale entre Chrétienté et Islam


 Il convient en ce sens de rappeler tout d’abord que la première femme du Prophète Muhammad (SAWS), Khadija (qu’Allah l’agrée), était d’ascendance chrétienne. Elle fut une femme hors du commun, qui le soutint envers et contre tout, et dont le Prophète lui-même (SAWS) dira qu’elle fut « ...la meilleure des femmes de ma communauté ». L’histoire de cette noble femme illustre en fait une continuité qui s’établit entre la chrétienté et l’islam, plutôt qu’une opposition. Une continuité aujourd’hui assez peu comprise des chrétiens, parce qu’il faut la comprendre dans le contexte spécifique du Moyen-Orient de l’époque, où plusieurs anciens types de fanatismes s’étaient affrontés, notamment à Alexandrie, depuis la période gréco-romaine et même bien avant.

 Un autre fait qui illustre de façon extraordinaire cette absence d’opposition entre Christianisme et Islam, ce fut l'Ashtiname : la Charte qui fut conclue en 625 entre le Prophète Muhammad (SAWS) et les moines chrétiens du monastère Sainte-Catherine du Sinaï en Égypte. Dans ce firman, ce fut un véritable pacte qui fut conclu entre le Prophète Muhammad (SAWS) et les Chrétiens, ne se limitant pas aux moines et moniales. Il est regrettable qu’aujourd’hui, tant de Musulmans l’aient oublié, mais également beaucoup de Chrétiens, et encore plus regrettable que l’on tente parfois de remettre en cause son historicité. Car ce fut précisément une alliance avec les chrétiens qui fut officiellement conclue, sans réelle contrepartie de la part des chrétiens, par laquelle le Prophète de l’Islam s’engageait à protéger les chrétiens considérés comme ses alliés. Nul musulman ne devait violer cette alliance jusqu’au jour du jugement dernier. C’était une véritable promesse universelle et éternelle qui était ainsi formulée par le Prophète Muhammad (SAWS), rendant illicite toute tentative d’aliéner ultérieurement ou de révoquer les droits des chrétiens en terre d’Islam.



À partir de cet événement historique fondateur, disons-le très clairement : toute tentative d’opposer frontalement l’Islam et la Chrétienté ne saurait être qu’une manipulation et un contresens majeur, à la fois historique et surtout spirituel. Du reste, il convient aujourd’hui de le rappeler : l’Islam accorde une place absolument cruciale, tant à la Vierge Marie qu’au Prophète Jésus / Issa (qu'Allah l'agrée). Et tous les musulmans pieux connaissent le sens du retour attendu du Messie (al Masîh) dans la lutte contre le Dajjâl / Antéchrist… Le théoricien politique russe Alexandre Douguine ne dit pas autre chose dans son ouvrage fameux, La quatrième théorie politique : « Nous devons fermement nous opposer à toute sorte de confrontation entre les différentes croyances religieuses… Les guerres et les tensions interconfessionnelles œuvrent pour une seule cause : l’établissement du royaume de l’Antéchrist, qui tente de diviser toutes les religions traditionnelles afin d’imposer sa propre pseudo-religion, une parodie de l’eschatologie. »[1]



Par opposition, remettre la Vérité historique et eschatologique en perspective, puis la comparer avec les exactions dramatiques de Daech survenues durant ces dernières années, avec les multiples destructions de mausolées et de lieux saints tant musulmans que chrétiens, ne laisse aucun doute sur l’absence totale de légitimité et de licéité de ce terrorisme artificiel. Les seules oppositions entre Islam et Chrétienté n'existent que sur des points mineurs, alors que ces deux religions sont en accord sur les points fondamentaux :

« Vénéré comme un des grands messagers de Dieu, il ne peut par contre être considéré comme fils de Dieu comme l’indiquent les versets suivants « Le Messie Jésus fils de Marie n’est qu’un messager d’Allah » (IV 171 et V 72) ou « Il ne convient pas que Dieu se donne un fils » (XIX 92). Jésus n’est pas mort sur la croix ; le verset coranique (IV 157) reprend l’affirmation des disciples de Basilide (vers 130) que Simon de Cyrène a été substitué sur la croix à Jésus. Jésus annoncerait la future mission de Mohamed : « Je suis le messager de Dieu pour vous annoncer la bonne nouvelle d’un Messager qui viendra après moi et dont le nom est Ahmed » ; le commentateur Razi (mort en 935) dit que ce verset reprend le texte de l’Evangile de Saint-Jean 14,17 : « je prierai Dieu et il vous donnera un autre consolateur afin qu’il demeure éternellement avec vous l’Esprit de vérité ». Ce rapprochement montre combien au Moyen Age les exégètes musulmans connaissaient les textes chrétiens. »[2]

Plus globalement, l’Histoire réelle n’est que trop rarement comprise dans son contexte, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord à l’époque du Prophète : les chercheurs les plus érudits comprennent aujourd’hui que les différents fanatismes anciens, que le Christianisme avait déjà tenté de réduire, n’y furent en fait restreints qu’avec l’avènement de l’Islam.[3] De même, on oublie bien souvent que la conquête de l’Empire byzantin par l’Islam fut facilitée par un contexte dans lequel l’Empire romain d’Orient s’affaiblissait lui-même, en persécutant certains courants chrétiens à l’aide de méthodes malheureusement bien peu chrétiennes... C’est dans ce contexte d’ailleurs, qu’en son temps déjà, notre Prophète Muhammad (SAWS) avait lui-même invité les chrétiens nestoriens à venir fêter la Pâques dans la mosquée de Médine. 

« Durant la vie du Prophète Mohamed (570-632) des chrétiens « nestoriens » (diaphysites) se réfugièrent en Arabie et leur christologie apparut compatible avec la révélation coranique. Donc, dans le Coran, Jésus est vraiment « Le Messie » annoncé aux Israélites, et dont la mère est bénie. Dans le Coran, la naissance de Jésus est annoncée par les anges à Marie (III 45) ; il est né « pur » ((XIX 19) d’une mère immaculée. « Le Verbe de Dieu fut jeté par LUI dans le sein de Marie » (IV 169). » […] La sourate IV, verset 171, rappelle que : « le Messie Jésus… est le Verbe de Dieu qu’Il a jeté en Marie ». À la sourate V, verset 75, Marie se voit décerner le titre de « Siddiqa » (la plus sincère) : « la Mère du Messie était sincère par excellence ».[4]




Une autre illustration d’un certain fanatisme rémanent chez les chrétiens de l’époque : c’est grâce à son isolement et à sa sécurité garantie par l’Islam, que le monastère de Sainte-Catherine échappa à la Période iconoclaste de l’Empire byzantin au VIIIe siècle, et put conserver son patrimoine iconique. Il sera également protégé durant les Croisades, qui contrairement à ce que l’on dit trop souvent aujourd’hui, ne furent pas une opposition frontale entre Chrétienté et Islam. Elles furent en fait déclenchées par les regrettables persécutions turques contre les pèlerins chrétiens, alors qu’auparavant, les Musulmans avaient toujours respecté le Christianisme.

La Turquie d’aujourd’hui devrait certainement se rappeler des leçons de cette époque, afin d’éviter de reproduire sans cesse ses erreurs passées… Car les Saintes Croisades de l’époque pouvaient en effet être considérées comme une guerre « sainte ». Mais ceux qui considèrent que les Croisades furent une opposition frontale entre Islam et Chrétienté sont soit des ignorants, soit des idéologues animés par des intentions subversives visant à déclencher une nouvelle guerre entre Islam et Chrétienté aujourd’hui. Il y eut au contraire, des échanges ésotériques puissants et vertueux qui lièrent durablement les Chrétiens, spécialement les Templiers français avec les musulmans et les chrétiens d’Orient. Mais ces efforts furent malencontreusement ruinés par un certain fanatisme des deux côtés : au lieu des profondes réformes qui auraient été nécessaire au sein de l’église catholique, ce furent en fait mille ans de réformisme chrétien qui furent assassinés avec le regrettable et inique massacre de l’Ordre du Temple (1307-1312). Ainsi, la chrétienté occidentale s’affaiblit-elle durablement, facilitant dramatiquement la subversion future de l’Occident que nous pouvons constater aujourd’hui…



Par opposition à ce contresens majeur que constituerait une opposition frontale entre la Chrétienté et l’Islam, et ce en quoi la conversion de la basilique Sainte-Sophie en mosquée pourrait constituer un casus belli aussi absurde qu’évitable, il me semble aujourd’hui nécessaire de rappeler certaines vérités anciennes.


La double réforme islamo-chrétienne contre un fanatisme ancien, toujours actif aujourd’hui.

 

Cette absence d’opposition fondamentale, et même plus précisément cette continuité entre Chrétienté et Islam, pourrait s’analyser en fait fidèlement comme une réforme anti-fanatique qui se serait déroulée en deux temps : avec le Christianisme tout d’abord, puis avec l’Islam, dans un contexte où les résultats du Christianisme n’avaient pas toujours été suffisant au Moyen-Orient. Réfutant toute idée d’opposition frontale, le Saint Coran évoque au contraire une idée fondamentale et supérieure, visant à intégrer à un niveau égal tous les vrais croyants pratiquant le bien et la vertu dans les actes du quotidien.

L’Islam correspondait en ce sens, non pas à une nouvelle religion considérée comme opposée aux autres, mais plutôt à la réitération du message des vrais Prophètes qui l’avaient précédé. Un message qui devait être répété avec une vigueur renouvelée à l’époque du Prophète Muhammad (SAWS), du fait des nécessités locales et de la subsistance de certains fanatismes anciens au Moyen-Orient : c’était tout simplement l’autodiscipline authentique du croyant pieux mettant en cohérence ses pensées et ses actes dans sa vie quotidienne, qui fut ainsi rappelée. La droiture et la noblesse de cœur, la perspective d’une récompense dans l’au-delà comprise comme une rétribution pour ceux qui croient et accomplissent le bien ici-bas, est bien le principal message du Saint Coran, et il est inattaquable en lui-même :

« Ceux qui croient [les musulmans], ceux qui pratiquent le judaïsme, les chrétiens, les sabéens — ceux qui croient en Allah et au Dernier Jour et accomplissent œuvre pieuse —, ont leur rétribution auprès de leur Seigneur. Sur eux nulle crainte et ils ne seront point attristés. » (2, 62 ; 5, 69)

De nombreuses traductions souvent partielles, fallacieuses ou déconnectées de leur contexte réel, ont pu être bien souvent présentées comme remettant en cause ce principe général. Ces tempéraments ont pourtant été énoncés dans d’autres contextes, mais nous convenons volontiers qu’il est toujours possible de détourner un texte sans fin pour aboutir à des contradictions apparentes, et que la même chose vaudrait au moins autant pour la Bible chrétienne et spécialement pour l’Ancien Testament... L’ordre de combattre les « mécréants », par exemple, ne concernait que les humains égarés et s’entêtant dans leurs erreurs fanatiques (9, 29), mais seule une étude réaliste du contexte moyen-oriental de l’époque permet de le comprendre.

De la même manière que les chrétiens patriotes américains, luttent aujourd’hui contre des « mécréants » (au sens étymologique comme théologique), sans forcément réaliser qu’ils combattent en fait, eux aussi, contre des réminiscences d’un très ancien fanatisme qui était parfaitement identifiable à l’époque du Prophète Jésus (que l’on pense par exemple à la persécution de Saint-Paul narrée dans les Actes des Apôtres…), ou du Prophète Muhammad (SAWS), situation qui fut d’ailleurs comprise comme telle par Luther lui-même. Au-delà de cette érudition nécessaire pour comprendre la vérité historique, seuls ceux qui croient en leur cœur parviendront à trier le bon grain de l’ivraie et la vérité du mensonge. Mais nous devons nous accorder sur une réalité plus globale : la résolution des humains en vue de pratiquer toujours le bien et la vertu est fragile, pas uniquement en terre d’Islam, et pas uniquement aux époques prophétiquesSeule une religion prônant une autodiscipline rigoureuse, pouvait avoir quelque chance de donner de bons fruits, mais seulement au terme d’une longue évolution qui commence avant tout dans le cœur de chaque humain.

« La bonté pieuse ne consiste pas à tourner votre face du côté de l’Orient et de l’Occident, mais l’homme bon est celui qui croit en Allah et au Dernier Jour, aux Anges, au Livre et aux Prophètes, qui donne du bien — quelqu’amour qu’il en ait — aux Proches, aux Orphelins, aux Pauvres, au Voyageur, aux Mendiants et pour l’affranchissement des Esclaves, qui accomplit la Prière et donne l’Aumône. Et ceux qui remplissent leurs engagements quand ils les ont contractés, les Constants dans l’adversité, dans le malheur et au moment du danger, ceux-là sont ceux qui sont véridiques, ceux-là sont ceux qui craignent Dieu. » (2 : 177)

De nombreux autres versets du Coran sont des exhortations et des encouragements « à la vérité et à la patience » (103 : 3), « à la mansuétude » (90 : 17), à la « noblesse par la piété » (49 : 13). Le Saint Coran encourage les croyants sincères à rechercher et développer ces admirables attributs divins que sont la paix, la justice, la miséricorde, la patience et le pardon.

En ce sens, l’Islam ne doit pas tant être considéré comme l’imposition d’une religion (2 : 256), mais bien plus comme la réitération d’un message d’autodiscipline individuelle, préalable inévitable ouvrant la voie à une discipline sociale collective, dans une zone géographique et une époque qui en avaient grand besoin. Tant cette discipline personnelle, que la discipline sociale collective, demeurent nécessaire de nos jours. Dans le contexte de la naissance de l’islam, où de nombreuses communautés s’entrechoquaient, ce fut une exhortation non pas à l’uniformisation, mais à l’émulation des vertus qui fut lancé par le Saint Coran :

« Si Allah avait voulu, Il aurait fait de vous une communauté unique. [Il ne l’a] toutefois [pas fait], afin de vous éprouver en ce qu’Il vous a donné. Devancez-vous donc mutuellement dans les bonnes actions » (5, 48).

Il faut vraiment que la vérité ait été artificiellement obscurcie depuis, pour ne pas comprendre ce verset comme l’acceptation d’un pluralisme inévitable des communautés et des élans religieux, et une reconnaissance des vertus du dialogue interreligieux pour atteindre une harmonie nouvelle entre les humains. L’« émulation spirituelle » sous le regard de Dieu devait en être la conséquence, justifiant pour Allah le qualificatif de « Rassembleur » (al-Jâmi‘), sans jamais comprendre « Allah » comme n’étant restrictivement que le « Dieu des musulmans ». Les chrétiens s’exprimant en arabe n’appellent-ils pas eux aussi leur Dieu chrétien « Allah » ? Le Coran n’est qu’un appel à la conscience, au même titre que le Nouveau Testament ou que certains des meilleurs passages de l’Ancien Testament : la réitération du Dieu unique inconnaissable mais dont les attributs sont la Paix, la Justice, le Pardon, la Réconciliation et surtout, l’action juste au quotidien chez les humains vraiment pieux.

Dès lors, toute opposition frontale entre les vrais croyants chrétiens et musulmans ne saurait être qu’un contresens… Mais un contresens sanglant, comme en a témoigné récemment le fanatisme artificiel de l’État dit « Islamique », qui ne fut qu’une entreprise de mercenariat terroriste cachant d’autres intentions déstabilisantes...

Relevons au passage que les plus grands hommes d’État comprirent le véritable sens de l’Islam, comme étant fondé sur des principes d’autodiscipline collective et de recherche de la connaissance, seuls à même d’établir des sociétés harmonieuses.

L’Empereur Napoléon en ce sens, qui considérait qu’une « société sans religion est comme un vaisseau sans boussole »,[5] releva l’efficacité sociale des principes du Coran dès la campagne d’Égypte.[6] Mais ce fut surtout lors de son exil à Sainte-Hélène, qu’il put poser ses conclusions quant à une grande cause d’affaiblissement de l’Occident. Ayant été directement témoin des manipulations de l’Eglise catholique en Italie, ayant pu constater par lui-même des interpolations rajoutées par le clergé catholique sur des manuscrits antiques, il avait développé une méfiance intuitive contre le détournement politique des religions. Sous l’influence du point de vue musulman rencontré en Égypte, il reconnaissait qu’une certaine idolâtrie avait été la conséquence des excès cléricaux catholiques, affaiblissant ainsi l’Occident en introduisant de graves oppositions entre religion et politique. Certaines sources musulmanes vont plus loin en lui prêtant des désirs de conversion à l’Islam, mais Napoléon était avant tout un réaliste qui avait compris par mesure d’efficacité, le lien nécessaire entre religion et politique.[7] Cette compréhension fut un cheminement long car il était lui-même le produit d’idées révolutionnaires antichrétiennes et pas uniquement anticléricales. Mais en Égypte, il comprit le lien entre paix religieuse et apaisement politique, exhortant ses soldats au nécessaire respect de la foi musulmane, en rappelant que les légions romaines protégeaient elles aussi toutes les religions.[8]



Bonaparte en Égypte, Jean-Léon Gérôme, 1867

Malgré le contexte d’une lutte d’influence terrible face aux Britanniques, qui avaient intérêt à ne pas voir s’établir de liens amicaux entre Français et Musulmans, Napoléon arriva aussi avec une autre armée composée des meilleurs savants français : des linguistes, des archéologues et bien d’autres scientifiques qui avaient soif de connaissance. C’est ainsi qu’il commença à renouer les fils perdus de l’Histoire occidentale, et que ce furent plus tard des archéologues français de renom comme Auguste Mariette ou Emile Amelineau, qui réapprirent aux Égyptiens à veiller sur leur patrimoine, y compris préislamique et préchrétien. Fut ainsi initiée la redécouverte de l’ancienne connaissance française héritée des Royaumes Francs en Terre Sainte, qui éclot à l’époque coloniale pour devenir une solide expertise érudite très favorable à l’Islam. L’Islam, fut en effet considéré par les sources françaises érudite comme un indubitable facteur de civilisation, dans des zones qui en avaient grand besoin parce qu’elles avaient connu les pires fanatismes, et qu’elles restaient marquées par des séquelles de violence latente, que seul l’Islam était parvenu à tempérer.[9]

Il est ironique que l’Empereur Napoléon, qui était lui-même l’héritier des "Lumières" et d’une Révolution française structurellement antichrétienne, ait pu aboutir à la conclusion que ses campagnes militaires avaient fait mûrir en lui : l’impossibilité d’obtenir une harmonie politique sans la sous-tendre de préceptes spirituels et religieux œuvrant en faveur de cette harmonie politique. Ceci avait été la grande faiblesse des Écrits vétérotestamentaires, que l’Histoire et l’archéologie modernes peinent encore à comprendre. Mais cette faiblesse fut également visible en Occident, sous la forme d’une lutte chronique et regrettable de deux mille ans entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel. C’est la raison pour laquelle l’Empereur Napoléon tenta de réformer l’Eglise catholique, tant à Rome qu’en France, au nom d’une compréhension de cette interdépendance entre harmonie politique et religieuse, une idée qui était déjà à la base de l’Égypte ancienne avant sa décadence... Mais si Napoléon aboutit à cette conclusion après son exil, ce fut certainement aussi par ce qu’il avait vu à l’œuvre les excès de la Révolution française et des foules violentes d’hommes, dans l’âme desquels toute idée de Dieu avait été arrachée. Lors de la réorganisation des universités françaises, il laissa à la postérité sa conclusion qui pourrait être inscrite sur le fronton tant des écoles chrétiennes que des écoles coraniques :

« Faites-moi des élèves qui sachent être des hommes. Et vous croyez que l’homme peut être homme s’il n’a pas de Dieu ? L'homme sans Dieu, je l'ai vu à l'œuvre en 1793 ! Cet homme-là, on ne le gouverne pas, on le mitraille. De cet homme-là, j’en ai assez. Pour former l’homme qu’il nous faut, je me mettrai [m’unirai] avec Dieu ».[10]


Une chance historique de rebâtir une Alliance universelle contre le fanatisme



Dans cette lutte universelle contre le fanatisme, dont témoignent tant la Bible que le Coran, il y eut encore d’autres épisodes aujourd’hui très peu étudiés. Il exista une vieille alliance géopolitique majeure qui est rarement comprise, dans un contexte que les chrétiens occidentaux ont aujourd’hui bien souvent oublié. Les Musulmans et les Vikings à l’ouest d’une part, et les Musulmans et les Varègues à l’Est d’autres part, furent il y a bien longtemps des alliés de circonstance contre de graves développements qui avaient lieu alors, tant en Europe de l’Ouest après la mort de Charlemagne, qu’en Europe de l’Est face à l’empire Khazar. C’est dans ce contexte qu’une certaine renaissance chrétienne put avoir lieu en Europe de l’Ouest, qui devint plus tard la réforme grégorienne, tandis qu’en Europe de l’Est naissait la Ros’ de Kiev, embryon de la future Sainte Russie qui renait aujourd’hui…


La dynastie des Riourikides, illustrée à l’occasion de l’exposition « Моя история. Рюриковичи », 2016.


Aujourd’hui en Europe de l’Ouest, seuls les derniers jésuites traditionnalistes ont conservé un lointain souvenir de cette époque ; mais en Europe de l’Est, après la terrible Révolution bolchevique antichrétienne que la Russie a subie, c’est dans la souffrance que les chrétiens orthodoxes ont retrouvé leurs héritages religieux. Et depuis les années 1990, dans le contexte des terribles déstabilisations qui frappèrent tant le Caucase et l’Asie Centrale, que le Moyen-Orient, c’est la vieille alliance spirituelle entre Chrétienté et Islam qui a été retrouvée, par la force des circonstances, et comprise comme étant la seule à même de rétablir la paix dans ces régions.

Il convient d’ailleurs de rappeler que la Turquie elle-même, fut frappée par les mêmes dynamiques de destruction que subit la Russie durant la Révolution bolchévique : on dit trop peu aujourd’hui combien l’Empire ottoman subit lui aussi de nombreuses déstabilisations mondialistes, dans les années qui précédèrent la Première Guerre mondiale…[11] Le philosophe russe Ivan Ilyine écrivait à ce titre que « toute l’Histoire de l’humanité se résume en ceci qu’à des époques différentes et dans des communautés diverses les meilleurs sont morts sous les coups des pires. »[12] C’est la raison pour laquelle les Chrétiens ont souvent été massacrés dans l’Histoire, mais également les Musulmans comme on a pu le voir récemment avec Daech, et même les Juifs refusant le fanatisme, au début des guerres Judéo-romaines ou durant la Révolution bolchevique notamment… C’est aussi la raison pour laquelle la force s’avère parfois nécessaire pour éviter le pire…

Nous avons aujourd’hui une chance de ne pas laisser se reproduire une Histoire récente constituée de carnages inutiles. Nous voyons aujourd’hui poindre une sorte de renaissance de cette alliance entre Chrétiens et Musulmans, qui n’est pas encore suffisamment comprise aujourd’hui. Et il se trouve qu’à leur tour, les chrétiens américains ont pris conscience d’une intense subversion fanatique à l’intérieur même des États-Unis, qu’ils combattent aujourd’hui, tandis que les Chrétiens orthodoxes alliés aux Musulmans d’Asie centrale, ont remis en cause la tentative de destruction du Moyen-Orient qui était ourdie par l’État Profond fanatique depuis les États-Unis.

C’est à présent l’intégralité du monde musulman qui doit comprendre cette évolution nouvelle et l’accompagner, en lieu et place de l’ancien « piège djihadiste » qui a été tendu aux musulmans depuis des décennies, et que la France fut le premier pays occidental à dénoncer dès 1930.[13] Un piège djihadiste qui aurait pu donner raison à l’idéologie artificielle du « Choc des civilisations », et déboucher sur un conflit dans lequel tant les chrétiens que les musulmans du monde entier, auraient eu tout à perdre…

Au contraire, depuis la renaissance de la Russie à l’orée des années 2000, puis avec l’élection de Donald Trump en 2016 soutenu par les véritables patriotes chrétiens américains, c’est une action chrétienne conjuguée qui a créé les conditions d’un tout autre contexte aujourd’hui : celui d’une évolution nouvelle au Moyen-Orient, dans laquelle l’Administration Trump soutient l’Arabie Saoudite pour moderniser et apaiser toute la région. Il est encore bien peu compris que le Prince héritier Mohammed ben Salmane est en effet en train de faire prendre un virage audacieux et courageux à l’Arabie Saoudite, après des années durant lesquelles l’Arabie Saoudite était dans une situation délicate du fait des enjeux pétroliers internationalistes. Ce virage consistera à intégrer le monde arabe dans la course aux futurs enjeux technologiques, tout en préservant une dose nécessaire de traditionalisme, mais sans plus le confondre avec le djihadisme qui a fait tant de ravages durant ces dernières décennies. Dans un avenir proche, je poserai avec l’aide de hauts dignitaires et chercheurs musulmans, les fondements de ce qui pourrait signifier une nouvelle renaissance pour le monde musulman dans son ensemble, en lieu et place de la grande tentative de manipulation que constitue Daech aujourd’hui.


 

Le grave égarement de la Turquie peut tuer l’espoir de notre époque



Dans ce contexte pourtant plein d’espoir, que choisit donc de faire la Turquie ? Malgré la réalité théologique fondamentale de ce qui devrait signifier une alliance renouvelée entre la Chrétienté et le monde Musulman, la Turquie agit une nouvelle fois à contre-courant de l’Histoire…

La renaissance de la Russie et son action héroïque au soutien de la Syrie, a été la cause d’une grave déstabilisation mondialiste qui frappa l’Ukraine.

Ukrainiens et Russes sont frères, le Président Poutine l’avait d’ailleurs rappelé, le 23 juillet 2013 à Kiev : « La Russie kiévienne est à l’origine de l’immense Etat russe. Nous avons une tradition commune, une mentalité commune, une histoire commune, une culture commune. Nos langues sont très proches. En ce sens, je veux le répéter encore, nous sommes un seul peuple. » La Russie et l’Ukraine n’ont en effet été séparées que par un « accident de l’Histoire » : une conséquence rémanente de la Révolution bolchevique antitsariste mais surtout antichrétienne, qui exerça spécialement ses ravages en Ukraine. Les séquelles de ces massacres sont aujourd’hui encore exploitées afin de nuire toujours plus à l’unité chrétienne orthodoxe. La déstabilisation de l’Ukraine qui visait en fait la Russie, s’est en outre accompagnée d’un embargo illégal, fragilisant la société civile russe et donc l’action bienfaisante de la Russie, notamment au Moyen-Orient. C’était le but, et l’Histoire enseigne d’ailleurs que les embargos précèdent bien souvent les guerres, que seule la puissance conjuguée de l’armée russe est aujourd’hui à même de conjurer. Mais c’est dans ce contexte que, ne pouvant attaquer frontalement la Russie, des déstabilisations multiples l’ont visée afin de l’affaiblir progressivement. Et c’est là que l’Ukraine comme la Turquie ont été en ce sens dangereusement instrumentalisée contre la Russie…

Pire, la déstabilisation de la Russie à partir de l’Ukraine ne se limitait pas aux aspects géopolitiques. C’est une tentative de division beaucoup plus grave qui a visé l’orthodoxie chrétienne, et qui fut ourdie depuis l’Ukraine, mais également depuis la Turquie : en créant un schisme artificiel entre d’une part, le patriarcat orthodoxe ukrainien mais également le patriarcat de Constantinople, et d’autre part l’Eglise orthodoxe russe.

Dans ce contexte, la décision soudaine de la Turquie, visant à transformer la basilique Sainte-Sophie en mosquée, ne peut constituer qu’une aggravation de la pression s’exerçant contre les Chrétiens orthodoxes russes, mais aussi contre les Chrétiens d’Orient. Elle ne peut dès lors que susciter la légitime préoccupation de l’Eglise orthodoxe russe, et le patriarcat de Russie comme le patriarcat de Jérusalem vous ont d’ores et déjà exhorté à réviser votre décision.

Car cette décision turque ne peut être considérée que comme une nouvelle provocation, alors que Constantinople ne fait pas partie des lieux saints de l'Islam, et elle causera un énorme discrédit à l’encontre de la Turquie. Qui donc vous a poussé, Monsieur le président, à cette provocation aussi prodigieusement malvenue ? C’est une logique de guerre mondiale qui se trouve enclenchée par votre décision, alors que la tendance générale était jusqu’alors à la désescalade depuis 2016.



Les véritables musulmans du monde entier doivent s’élever contre cette double tentative de déstabilisation de toute la chrétienté orthodoxe, dans laquelle la Turquie joue un rôle qui ne devrait pas être le sien.

Car dans le Caucase, en Asie centrale, au Moyen-Orient et jusqu’en Libye, la Russie n’a pas uniquement défendu les Chrétiens d’Orient, mais elle a aussi défendu le véritable Islam contre Daech et ses puissants soutiens : on l’a vu spécialement dans le Caucase, où les djihadistes artificiellement importés par l’État profond américain ont été éliminés par une alliance renouvelée entre les Chrétiens orthodoxes et les véritables Musulmans. Et nulle part ailleurs le résultat n’en a été plus évident qu’en Syrie, où les troupes de chocs tchétchènes musulmanes ont été engagées aux côtés des troupes chrétiennes orthodoxes russes, contre les « faux » musulmans de l’État islamique et leurs « conseillers ».



Le tableau ne serait pas complet de cette guerre de Syrie, sans mentionner le fait qu’à l’époque subversive de l’ère Obama aux États-Unis, ce sont les patriotes chrétiens américains et même certains personnages importants issus du judaïsme (General Wesley Clark, Steve R. Pieczenik…), qui divulguèrent ouvertement l’Agenda subversif qui se déployait au Moyen-Orient, et favorisèrent discrètement l’action de la Russie qui fut encouragée à agir résolument pour le mettre en échec.[14]

Dans ce contexte, les patriotes chrétiens américains, comme les patriotes chrétiens russes, doivent être considérés comme des alliés du véritable Islam. Tant Vladimir Poutine que Donald Trump doivent être aujourd’hui considérés par les musulmans du monde entier, comme faisant partie de leur propre communauté, en vertu des préceptes rappelés ci-dessus : c’est l’action juste et l’émulation dans l’exigence spirituelle personnelle, qui doivent être les seuls critères de jugement quant à la question de savoir où sont nos ennemis, et où sont nos amis.

C’est donc dans ce contexte que la Turquie agit de la pire façon possible. Il est regrettable de constater que, alors que votre pays eut une responsabilité historique dans le « choc des civilisations » à l’époque des Croisades, la Turquie que vous présidez fasse à nouveau preuve d’un si grave manque de clairvoyance. Alors sans doute est-il nécessaire de développer ici les raisons fondamentales pour lesquelles non seulement, Sainte-Sophie ne devrait en aucun cas être transformée en mosquée, mais qu’au-delà, j’estime même que la basilique Sainte-Sophie devrait surtout être aujourd’hui rendue aux chrétiens orthodoxes. Permettez-moi, Monsieur le Président, de développer mon propos.


Sainte-Sophie, ou la Mère Sacrée du véritable Christianisme des origines.



La basilique Sainte-Sophie à Constantinople se voulait comme une représentation du ciel sur la terre, une prouesse architecturale reflétant dans la matérialité les plus hautes aspirations de la spiritualité chrétienne orthodoxe. Sainte-Sophie est plus qu’une basilique, c’est un symbole d’une puissance incalculable qui est à la base de la véritable chrétienté, laquelle est à rechercher du côté de l’orthodoxie comme bon nombre de mystiques chrétiens l’ont compris. Parce que c’est la seule chrétienté à n’avoir pas oublié Sophia jusqu’à nos jours : c’est-à-dire la Sagesse en grec, incluant les héritages puissants et nuancés de la pensée grecque héritée d’Egypte. Dans sa version métaphorique et allégorique, Sophia a trois filles : Pistis ou Véra, la Foi ; Elpis ou Nadedja, l’Espérance ; Agapé ou Lioubova, la Charité. La métaphore est évidente : c'est la Sagesse divine qui engendre dans le cœur des chrétiens ces trois vertus théologales que sont la Foi, l'Espérance et la Charité.

Mais Sophia est en fait bien plus que la seule Sagesse. Dans la croyance initiale des véritables chrétiens primitifs, qui a difficilement survécu jusqu’à nos jours, Sophia est l’âme universelle archaïque : l’émanation du Dieu unique et inconnaissable dans la matière, l’architecte primitive en tant que principe féminin, de laquelle découle toute chose visible et invisible. Cette matière comprise comme la fille de l’Esprit divin suprême, c’est ce qui était parfaitement compris des anciens paganismes dans leur version pure et non dévoyée, et c’est ce que notre science actuelle ne comprend que progressivement. Il nous faut aujourd’hui une certaine dose d’abstraction métaphysique pour comprendre la double émanation divine sous son aspect révélé, à travers les deux principes mâle et femelle d’où émanent Christos et Sophia.

Tout d’abord, la véritable « Trinité dans l'Unité » initiale, est une idée commune à toutes les nations : du Dieu unique et inconnaissable provenant deux principes, l’un mâle et l’autre femelle. « C'est l'union du mâle Logos ou sagesse, la Divinité révélée, avec la femelle Aura ou Anima Mundi ([…] la Sophia primordiale des Gnostiques) qui produit toutes les choses visibles et invisibles. »[15]

Sophia, la Sagesse Divine, principe féminin, elle est la médiatrice entre les mondes intellectuel et matériel, entre le Dieu suprême et la Matière. Sophia est en fait double : d’une part, la Sophia « supérieure » primitive, principe féminin émané du Dieu suprême initial (l'intellectuelle « Mère de toutes choses »). Et d’autre part, la Sophia « inférieure » imparfaite, sagesse divine « tombée dans la matière », la mère universelle de toutes les formes matérielles et révélées, la nature physique, la médiatrice entre la Grande Cause et la Matière, inévitablement imparfaite car le monde matériel n’est qu’un état de probation dédié à la progression des âmes. Christos, l'Oint du Seigneur, est l’émanation du principe mâle de la Sagesse : le médiateur et le guide entre Dieu (le Suprême) et tout ce qui est spirituel chez l'homme. Christos et Sophia sont tous deux des émanations divines qui descendent dans l'homme Jésus, lui permettant son expression dans la matière grâce à Sophia, tout en étant inspiré par Christos qui l’adombre, faisant de lui un Prophète dans son sens véritable.



Icône russe de 1812 représentant Sophia, la « Sainte Sagesse ».

De là provient l’origine de la Trinité (à vrai dire de plusieurs trinités à plusieurs niveaux différents), telle que la comprenaient les Égyptiens et les Grecs anciens, puis leurs héritiers Gnostiques, mais qui fut regrettablement interpolée et modifiée plus tard par les premiers théologiens chrétiens. Des mésententes majeures découlèrent de ces interpolations, citons-en au moins deux ici.

Premièrement, du fait de l’entêtement d’Irénée à vouloir assimiler Jésus au Dieu suprême, un terrible contresens fut engendré dans l’esprit des chrétiens jusqu’à notre époque, et malheureusement pas uniquement en Occident :

« Ce n'est que l'entêtement de celui-ci [Irénée] à vouloir de toutes manières associer Jésus, même dans ses ‘Contre les Hérésies’, avec le "Dieu suprême", qui l'entraîna à commettre tant de falsifications. L'idée d'identifier le Dieu Inconnu même avec Christos, l'Oint – l'Æon qui l'adombra – pour ne pas parler de l'homme Jésus, n'est jamais entrée dans l'esprit des Gnostiques ni même des apôtres directs ou de Paul, malgré ce que peuvent avoir ajouté des falsifications postérieures. »[16]

Deuxièmement, la maltraitance constante que subit Sophia en tant que principe féminin depuis au moins 2000 ans : au sens métaphysique et spirituel, comme au sens matériel, avec un avilissement artificiel des femmes sous des prétextes prétendument religieux mais en fait fallacieux. Ceci fit perdre aux Chrétiens le sens de la véritable complémentarité entre les deux principes mâle et femelle au sens métaphysique, et entre hommes et femmes dans la matérialité. Le problème est en fait ancien dans l’Histoire, remontant à une dualité entre deux paganismes et non pas un seul… Les Musulmans aussi, dans leur écrasante majorité, n’ont pas toujours compris les implications profondes de cette compréhension plus juste des relations entre hommes et femmes dans la vie quotidienne, mais il existe pourtant un lien entre degré de civilisation et respect de la Femme…

Sophia, principe féminin dans la Trinité, fut finalement remplacée par le Saint-Esprit dans le dogme chrétien. Pire, elle fut d’une façon générale maltraitée par des cultes phalliques qui étaient des déviances nées de dégénérescences anciennes, au gré de luttes d’influences dont témoigne notamment l’Ancien Testament,[17] et dont nous retrouvons des réminiscences étonnantes derrière les pires scandales de notre époque actuelle… Ce fut également l’une des raisons pour lesquelles les anciens gnostiques opposaient frontalement l’Ancien Testament et les nouveaux enseignements chrétiens :

« Ils soutenaient que l'Ancien Testament était la révélation d'un être inférieur, d'une divinité subordonnée, et qu'il ne contenait pas une seule phrase de leur Sophia, la Sagesse Divine. Quant au Nouveau Testament, il avait perdu sa pureté lorsque les compilateurs se rendirent coupables d'interpolations, et qu'ils sacrifièrent la vérité divine à leurs fins égoïstes, et pour entretenir des querelles. Cette accusation ne manque pas de fondement pour celui qui est au courant de la lutte constante entre les champions de la circoncision et de la "Loi", et les apôtres qui avaient abandonné le Judaïsme. »[18]

C’est en ce sens que la vieille expertise française relative à l’Islam, renouant indirectement avec les héritages Templiers, put s’éloigner des dogmes catholiques en comprenant une analogie et même une continuité entre les anciens héritages païens égyptiens, et l’Islam. Car le Prophète Muhammad (SAWS) respecta en effet l’ancien paganisme égyptien (qui avait aussi des ramifications dans le sud de l’Arabie), basé sur la reconnaissance d’une complémentarité entre le principe masculin (Osiris) et féminin (Isis),[19] alors que la chrétienté occidentale avait pour sa part oubliée ces origines païennes pourtant très saines. C’est ce qui fit dire plus tard à l’époque pétrolière, aux meilleurs connaisseurs français de ces grandes luttes d’influence à la fois géopolitiques et religieuses sans âge, que l’Islam avait pu prendre la succession du monde araméen, spécialement en Afrique du Nord et au Moyen-Orient : en résolvant des contradictions internes au sein du christianisme devenu localement fanatique, parce que le christianisme s’était auparavant affaibli lui-même en oubliant une partie de ses propres enseignements gnostiques[20]

C’est en effet toute la chrétienté qui s’est artificiellement affaiblie du fait de ces querelles de dogmes, dont furent surtout victimes les chrétiens occidentaux, ce qui facilita la subversion de l’Occident, tant catholique que protestant.

Les Chrétiens orthodoxes furent eux aussi handicapés par les conséquences de ces nombreuses querelles théologiques qui agitèrent la chrétienté, mais nettement moins que les chrétiens occidentaux, parce qu’ils laissèrent une place à Sophia. Ceci, certainement, ne fut pas toujours visible, mais nous avons toute raison de croire que les communautés monastiques les plus érudites ayant conservé les manuscrits les plus anciens, n’ont pas oublié le sens du Schisme entre chrétienté occidentale et orientale. Car la cause du Grand Schisme de 1054, fut précisément l’élaboration hasardeuse de nouveaux dogmes chrétiens pour des raisons politiques. Une élaboration hasardeuse qui ne cessa pas ensuite, justifiant des critiques fondamentales de la chrétienté occidentale telle que nous pouvons en lire de nos jours dans la littérature mystique russe : de Nikolaï Fiodorov qui inspira notamment Dostoïevski, Tolstoï, Soloviev, jusqu'à Alexandre Douguine avec son « mythe de ‘‘l’homme solaire’’ » animé de « la vraie spiritualité, la pensée supra-rationnelle, le logos divin, la capacité à voir à travers le monde son âme secrète ».[21] Voilà le christianisme orthodoxe retrouvant le chemin de son héritage historique et païen, non coupé de la pensée grecque et donc de son inspiration égyptienne…



Lors d’une interview pour la télévision française (TF1) le 11 février 2003, Vladimir Poutine avait d’ailleurs rappelé que « la Russie est un Etat européen et par la géographie, et par la mentalité », définissant l’Europe comme « la culture de la Rome antique, de la Grèce ancienne, c’est la culture de la Byzance, c’est-à-dire du christianisme oriental. » Cette vision serait volontiers réfutée par les chrétiens occidentaux aujourd’hui, ayant oublié eux-mêmes la façon dont les dogmes chrétiens furent maladroitement stabilisés durant les quatre premiers siècles de l’ère chrétienne. Pourtant, cette vision exprimait bien la réalité de la véritable civilisation chrétienne occidentale européenne, défalquée des excès cléricaux qui devinrent catholiques, engendrant en réaction la Réforme protestante en bonne partie légitime, mais qui fut elle aussi victime de luttes d’influence en Occident, lesquelles firent dériver insidieusement le Protestantisme vers le matérialisme…

C’est donc en prenant la mesure de tous ces développements, que doit être comprise l’importance et la dangerosité de votre décision, Monsieur le Président, visant à transformer Sainte-Sophie en mosquée. Sainte-Sophie doit être comprise comme le grand phare des véritables chrétiens, c’est-à-dire des chrétiens qui ont su conserver la plus grande part des enseignements chrétiens primitifs et de leurs héritages antérieurs. Or, ce sont justement ces enseignements chrétiens qui sont les plus proches et les plus compatibles avec les préceptes du Saint Coran, ce qui nous permet d’entrevoir une alliance fondamentale entre les véritables chrétiens et les véritables musulmans.

Et en ce sens, la basilique Sainte-Sophie devrait être rendue aux chrétiens orthodoxes, afin qu’elle puisse devenir l’épicentre d’une nouvelle relation refondée entre l’Islam et la Chrétienté : ce serait là un symbole d’une importance colossale, et un signal fort permettant un rayonnement international nouveau pour la Turquie.


Mosaïque de la tribune Sud de la basilique Sainte-Sophie


La Turquie doit tirer les leçons de l’Histoire et choisir de meilleurs combats



Cependant, malgré ce point de désaccord entre nous qui justifie ma lettre aujourd’hui, vous priant instamment de renverser votre décision, nous avons un point commun, dans le contexte actuel d’un bras de fer qui oppose la Turquie à la France. Ce bras de fer contre la France, je ne l’approuve pas en ce qui concerne votre action en Libye. Mais je pourrais approuver votre action si elle devait s’insérer à l’avenir, dans les véritables enjeux de notre temps.

Je lutte en effet en France, contre le détournement de l’État français et l’infiltration au sein des forces antiterroristes françaises d’éléments malintentionnés, qui ont oublié l’ancienne expertise française et qui considèrent l’Islam comme une menace. Pire, parmi ces forces de sécurité française, se sont infiltrés des pédocriminels qui violent des enfants de parents musulmans, y compris des Turcs, et même des Tchétchènes. Pour l’instant, les Musulmans de France se sentent bien seuls dans ce combat, les Français non musulmans s’étant accoutumés à une certaine impuissance soumise, alors que c’est pourtant un combat sacré qui doit être mené avec résolution.

Aux États-Unis, au contraire, le Président Trump et les patriotes américains luttent eux aussi en ce moment même de toutes leurs forces contre les mêmes réseaux pédocriminels puissants, qui ont tenté de détourner l’État américain. Ivanka Trump et la First Lady Melania Trump sont également impliquées, ouvertement ou subtilement, dans cette lutte contre les trafics humains. J’ai détaillé tout ceci dans un article récent que je vous invite à consulter.[22]



La même lutte a lieu en France en ce moment même, bien que trop peu comprise encore par les Français eux-mêmes. Pourtant, ce sont des cas avérés qui ont défrayé la chronique récemment, avec notamment un Commandant de la Direction des services antiterroristes intérieurs (DGSI) dans les Ardennes, qui profitait de sa situation pour abuser des enfants de parents musulmans, sous prétexte de « déradicalisation ».

Il vous faut bien comprendre que les véritables enjeux de notre époque sont là. Une alliance des hommes de bien se dessine en ce moment même, au sein de laquelle la Turquie pourrait trouver toute sa place aujourd’hui, parce qu’elle y a en fait été mêlée depuis des millénaires de par son Histoire occulteMais pour que la Turquie y trouve sa place aujourd’hui, encore faudrait-il que vous n’agissiez point à contre-courant de l’Histoire…

La Turquie veut-elle aujourd’hui se battre pour une meilleure cause, plutôt qu’en préemptant la basilique Sainte-Sophie au mépris de toute considération réaliste, tant géopolitique que spirituelle ? De même, plutôt qu’une épreuve de force au sujet de la Libye dans laquelle la Turquie ne choisit pas le bon camp, il serait bien plus inspiré pour elle de demander des comptes à la France du Président Macron, au sujet de ces réseaux pédocriminels qui exercent leurs ravages en France.

En effet, ce ne sont ni les patriotes américains, ni les patriotes russes qui violent les enfants partout dans le monde, mais ce sont des réseaux subversifs présents partout, et dont l’action d’une ignominie inimaginable donne un sens renouvelé à l’expression « génies du mal ». Le Saint Coran comme la Sainte Bible nous commande de prendre parti contre ce mal incarné sur terre, et ne pas prendre parti dans cette lutte ferait de nous des impies : « Dieu vomit les tièdes »[23] et « Allah déteste les transgresseurs »[24]

Partout dans le monde entier, la puissance des États-Unis est aujourd’hui utilisée afin de cibler les réseaux pédocriminels, aussi bien en France, qu’en Allemagne ou en Corée du Sud. Les Chrétiens américains retrouvent là un esprit missionnaire qui a été perdu en Europe, et spécialement en France qui fait figure aujourd’hui de dernier bastion subversif et de 1er Etat pédocriminel du monde. Ceci, tandis que la France est en passe de devenir le pays d’Europe dans lequel le plus grand nombre d’actes antichrétiens sont commis, et l’incendie pour le moins suspect de Notre-Dame de Paris en a donné une vision d’horreur qui a choqué le monde entier. Parce que comme la basilique Sainte-Sophie, Notre-Dame de Paris étaient un épicentre de la chrétienté occidentale, celle-là même qui a été si durement atteinte depuis la Révolution française et plus de deux siècles de subversion antichrétienne plus ou moins subtile qui ont suivi… La redynamisation spirituelle de la France se fait attendre, et n’ayez crainte de le rappeler au Président français lorsqu’il tentera lui aussi de vous raisonner au sujet de Sainte-Sophie…


Recensement des actes anti-chrétiens en France depuis décembre 2016 (incluant vandalismes, meurtres/agressions, incendies criminels, vols, attentats, enlèvements).
Source : Observatoire de la Christianophobie.


Les esprits les plus lucides avaient déjà compris ce dont les pires représentants du mondialisme subversif se vantent depuis des années : les Etats sont progressivement remplacés par le marché, et le Président français n’a de toute façon plus aucun pouvoir. Il n’y a plus d’ultima ratio régalien, car plus de peine de mort, plus de contrôle de l’outil monétaire, plus de contrôle du marché monétaire devenu tout-puissant, donc plus de capacité d’investissement, plus de réelle souveraineté militaire, plus de pouvoir réel. Son pouvoir n’est plus qu’une illusion pour le peuple français, et à terme, le pouvoir du marché n’aura aucune limite et s’étendra également à tous les autres domaines : la santé, l’éducation, la justice, la police, les affaires étrangères, ainsi qu’aux domaines illégaux et criminels aujourd’hui. La prostitution, le trafic d’organes, le commerce des armes, le racket, la drogue, y compris la vie et la transformation sans limite de l’être humain en marchandise : tout ceci a vocation à être soumis à la loi d’airain du marché. C’est le résultat du mondialisme né de la décadence du système économique et spirituel occidental : les autorités politiques ne sont plus que des marionnettes obéissantes, afin de livrer les peuples en pâture au marché, quitte à le soumettre par des législations d’exception sous prétexte de « menace terroriste », ou par de gigantesques opérations d’ingénierie sociale comme la récente crise du Coronavirus. Tout ceci afin de concentrer toujours plus le capital et glorifier Maamon, lequel ne fait au final que nourrir l’Antéchrist, le Dajjâl… Les véritables croyants du monde entier ressentent instinctivement que nous vivons des temps eschatologiques et apocalyptiques, dans lesquels en tout cas, l’affrontement entre le Bien et le Mal est une réalité de tous les jours. Et dans cette lutte, nous savons que nous devons prendre parti…

C’est la raison pour laquelle il incombe à présent à la Turquie, de comprendre d’urgence qu’elle doit cesser d’agir à contre-courant, ce qui mettrait irrémédiablement en danger ses intérêts stratégiques.

Au contraire, en choisissant de mener le bon combat aux côtés des Chrétiens russes et américains, la Turquie pourrait gagner une grande légitimité en soutenant cette évolution nouvelle, tant au Moyen-Orient qu’en Libye et même en France. Elle pourrait ainsi recouvrer une influence dans toute la Méditerranée, et même une influence supérieure à celle qu’elle a pu antérieurement avoir, puisqu’elle serait alors basée sur une légitimité nouvelle. De même, n’oubliez pas qu’à l’été 2016, vous avez vous-même été sauvés d’un coup d’État ourdi par l’Etat Profond américain, par l’intervention de la Russie et de l’Iran. Il serait en ce sens un regrettable contresens que d’oublier cette alliance des hommes de bien, qui a permis votre survie politique.

Plus globalement, la Turquie devrait enfin tirer leçon de l’Histoire de sa présence en Europe, et de la façon dont elle fut plusieurs fois châtiée lorsqu’elle oublia que la violence ne doit jamais s’affranchir des considérations spirituelles. Malgré l’état de déchristianisation et de subversion avancée de l’Europe d’aujourd’hui, la Turquie aurait tort d’oublier que l’Histoire européenne ne manqua pas de protection mystique. Il y eut en effet une connexion entre l’Ordre de la Rose-Croix et les Croisades du général Hunyadi Janos de Transylvanie, qui repoussa les Turcs devant Belgrade en 1456. Durant l’alliance avec la France à partir du XVIe siècle, pourtant, une accalmie avait semblé envisageable entre l’Europe chrétienne et la Turquie musulmane. La signature des Capitulations ou Traité d’Amitié entre François Ier et Soliman le Magnifique, lequel fut renouvelé huit fois, avait permis l’introduction de missionnaires européens qui créèrent des écoles destinées d’abord aux Chrétiens, qui élevèrent leur niveau de vie et qualifièrent les Chrétiens pour des emplois administratifs et pour le rôle d’intermédiaires entre l’Occident et les Ottomans.[25]


François Ier et Soliman le Magnifique, peints séparément par Titien vers 1530.


Mais plus tard, alors que la France était à l’époque le meilleur allié européen de la Turquie depuis le XVIe siècle, les méthodes violentes des Turcs en Europe balkanique aboutirent à une réaction inévitable de toute la Chrétienté. La France fut alors avec l’Autriche, l’artisane de la première défaite cuisante infligée aux Janissaires turcs, qui étaient alors craints dans toute l’Europe (bataille de Saint-Gothard, 1er aout 1664). Moins de vingt ans plus tard, la plus extraordinaire charge de cavalerie de toute l’Histoire européenne, celle des légendaires hussards ailés polonais, fit définitivement reculer la Turquie devant Vienne (12 septembre 1683). Puis dès la fin du XIXe siècle, sans le soutien internationaliste qui subvertissait pourtant dans le même temps l’Empire ottoman, la Sainte Russie aurait été à même de reprendre Constantinople au nom de toute la chrétienté orthodoxe…


 
Ayant oublié les causes de son recul historique, la Turquie espère-t-elle aujourd’hui provoquer les Chrétiens orthodoxes avec l’affaire de Sainte-Sophie, tout en espérant intimider pour racketter l’Union Européenne en instrumentalisant la crise des migrants, dont elle sait parfaitement qu’elle a contribué à l’engendrer ? Ce double calcul à courte vue n’est qu’un aventurisme qui, à terme, mettra en danger la Turquie. Car dans ce contexte, les véritables Musulmans seront du côté des Chrétiens orthodoxes, mais également aux côtés des Chrétiens européens qui n’auront pas totalement oublié l’Histoire européenne, l’Histoire du christianisme et l’Histoire réelle de sa relation avec l’Islam...

De même encore, la Turquie devrait aussi tirer leçon de l’Histoire quant à son rôle actuel en Afrique du Nord : en cessant de se comporter comme un « encaisseur » mafieux et violent pour commencer à se comporter en bâtisseur, dans le cadre d’une coopération internationale qui pourrait faire revivre l’espoir dans toute une zone qui en a grand besoin. Au lieu de cela, la Turquie prend la suite de l’activisme du Qatar, en créant les conditions d’une déstabilisation djihadiste de toute l’Afrique du Nord, ce qui suscitera inévitablement des réactions de la part de l’Égypte et potentiellement aussi de l’Algérie...


La Turquie à la croisée des chemins : une réconciliation est encore possible



C’est dans ce contexte qu'en tant que dignitaire musulman descendant du Prophète Muhammad (SAWS), je vous exhorte donc aujourd’hui à prendre la mesure de la dynamique historique nouvelle et vertueuse qui se dévoile sous nos yeux depuis 2016.

Au nom de cette fraternité des hommes de bien, qui a uni dans l’Histoire les Chrétiens et les Musulmans d’une façon beaucoup plus profonde qu’elle n’est aujourd’hui comprise, je vous demande aujourd’hui de revenir sur votre décision concernant la basilique Sainte-Sophie, phare de la Chrétienté orientale.

Dans cette perspective, je vous propose de convenir ensemble d’une rencontre tripartite à Moscou avec le Président Vladimir Poutine, afin de revenir ensemble à plus de raison, et faire potentiellement de la Turquie le pays pivot de cette nouvelle relation entre la Chrétienté et le monde islamique.

Mon cher Président, soyons vraiment Musulmans : rendons la basilique Sainte-Sophie à nos frères chrétiens orthodoxes, afin de sceller cette nouvelle alliance entre Islam et Chrétienté.



Une telle décision aurait une portée absolument historique. Elle permettrait d’entériner une Nouvelle Alliance des nations pour la paix, et de mettre durablement en échec un engrenage destructeur qui aurait pu depuis plusieurs années déjà, renvoyer tous les pays du Moyen-Orient, y compris la Turquie, et même le monde entier, à l’âge de pierre...

L’Histoire vous tend les bras, et j’espère de tout cœur que vous saurez y entrer en tant que l’homme qui aura redonné sa puissance à la Turquie, sans tomber dans le piège de l’ivresse de la puissance…

J’implore Le Très-Haut de vous accorder réconfort et compassion.
Prière et paix d'Allah sur vous et votre peuple.
Nous sommes à Allah et vers Allah nous retournons.


Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l'expression de ma très haute considération.





Morad Al-KHATTÂB Al-IBRAHIMI Al-CHERIFI Al-IDRISSI


Ecrivain et géopolitologue,
Conseiller expert en investissements stratégiques et en intelligence économique,
Diplômé de l’Académie des Arts, des Sciences et des Lettres.

Dernier ouvrage paru : « Saïf al-Islam Kadhafi – Un rêve d’avenir pour la Libye », (éd. Erick Bonnier, octobre 2019).







[1] La quatrième théorie politique : la Russie et les idées politiques du XXIème siècle, Alexandre Douguine, Ars magna éditions, Nantes, 2016.
[2] « Ce que les musulmans pensent des chrétiens : opinions diversifiées. » Christian Lochon, Institut Jacques Cartier, 12-4-2018.
[3] Histoire de l’Afrique du Nord, Bernard Lugan, éd. du Rocher, 2016.
[4] « Ce que les musulmans pensent des chrétiens : opinions diversifiées », Ibid.
[5] Allocution aux curés de Milan, 5 juin 1800.
[6] Lettre au Cheikh El-Messiri, 28 août 1798
[7] Guerre d'Orient. Campagnes d’Égypte et de Syrie, 1798-1799. Mémoires pour servir à l’histoire de Napoléon dictés par lui-même à Sainte-Hélène, et publiés par le général Bertrand.
[8] Proclamation de Napoléon Bonaparte à l'Armée, 22 juin 1798
[9] Algérie Médicale, 1896-1957, Vol. 61, Numéro spécial, 1957.
[10] Revue du monde catholique, Volume 15, Librairie Victor Palmé, 1806, p.7.
[11] Le Charme discret du Djihad, W. Engdahl, éd. Demi-Lune, 2018. L’aventure Kémaliste, un danger pour l’Orient, l’Europe et la Paix, Ömer Kâzim, (1922, réédition Sigest, 2008).
[12] Sur la résistance au mal par la force, 1925.
[13] Xavier de Hauteclocque, Le Turban Vert, 1930 (réédition Energéïa, 2013).
[14] « Trump, Poutine, Xi Jinping, Boris Johnson et Mohammed ben Salmane : Un autre Ordre Mondial imprévu émerge. » (Saker/CVR, 22 mai 2020), https://lesakerfrancophone.fr/un-autre-ordre-mondial-imprevu-emerge
[15] H. P. Blavatsky, Isis Dévoilée, 1877 : Livre I, Partie I, Chap.5.
[16] H. P. Blavatsky, Isis Dévoilée, 1877 : Livre II, Partie I, Chap. 4.
[17] H. P. Blavatsky, Isis Dévoilée, 1877 : Livre II, Partie I, Chap. 3 & 5.
[18] H. P. Blavatsky, Isis Dévoilée, 1877 : Livre II, Partie I, Chap. 4.
[19] Le Culte D'Aphrodite-Anahita Chez Les Arabes Du Paganisme, Edgard BLOCHET, 1902.
[20] La Verte Libye de Quadhafi, Pierre Rossi, Hachette, 1979.
[21] Alexandre Douguine, Pour le Front de la Tradition, Ed. Ars Magna, p. 400. 
[22] «Trump, Putin, Xi Jinping, Boris Johnson and Mohammed bin Salman: A New, unpredicted World Order emerges (CVR, 29 mai 2020), http://chroniquesdelavieillerepublique.blogspot.com/2020/05/trump-putin-xi-jinping-boris-johnson.html
[23]Apocalypse 3:15-16 (paraphrasé).
[24] Sourate Al Maidah 5-87.
[25] « Ce que les musulmans pensent des chrétiens : opinions diversifiées. », Ibid.