Les droits de douanes de Trump
contre l’ALENA et l’UE :
Distinguer
la part légitime d’une guerre économique hybride.
Par Jean-Maxime
Corneille, Chroniques de la Vieille République.
L’imposition de droits de douane
(25 % sur l’acier, 10 % sur l’aluminium) par les États-Unis à l’encontre de
leurs partenaires de l’Union Européenne (UE) ou de l’ALENA (Mexique et Canada),
doit être comprise dans le cadre d’une guerre
économique qui n’a jamais cessé à l’échelle du monde. Cependant il ne faut
pas oublier que cette guerre économique
est avant tout voulue par les milieux financiers, bien plus que par les Etats ou
par les peuples.
Elle fait rage ici entre les États-Unis et la Chine, mais ce
sont les Européens qui vont en être les premières victimes collatérales, du
fait de leur docilité proverbiale vis-à-vis des États-Unis hier, et vis-à-vis de
l’OMC aujourd’hui.
L’Union Européenne, qui fut en
effet malmenée durant des années par l’OMC, quand cette dernière était poussée
en avant par les États-Unis pour ouvrir de force les marchés européens, est aujourd’hui
frappée d’un curieux « syndrome de Stockholm » pro-OMC. Et tous les
médias PC [Politiquement Corrects/principaux Courants] sont unanimes à son
soutien, afin de dénoncer ce nouvel élan
protectionniste de l’Administration
Trump annoncé par l’entremise de son Secrétaire au Commerce Wilbur Ross.
Pourtant, il est capital de comprendre une dualité fondamentale dans
cette décision de l’Administration Trump, qui
est en fait bien plus positive que l’on ne pourrait le comprendre, à
condition d’avoir à l’esprit l’arrière-plan historique requis. Cette
décision américaine en forme de chantage économique mafieux contre l’Europe, illustre
en fait une stratégie de guerre économique « hybride » consistant à
se refaire une santé économique sur le dos de ses alliés, de deux façons
distinctes :
Premièrement, une attrition délibérée des alliés ciblant
spécialement la France (dont les intérêts économiques sont par exemple chassés
d’Iran) et l’Allemagne (à l’encontre
de ses exportations, notamment automobiles). Cette démarche rappelle au passage
ironiquement le bridage économique
imposé par la Couronne britannique aux Treize colonies, et qui fut à
l’origine de la Déclaration d’indépendance américaine de 1776 : pour s’assurer de la soumission de ses
alliés, il faut les ruiner préalablement. Et il n’y a aucune chance d’une « révolte »
immédiate des pays européens, même si une prise de conscience peut être
identifiée à travers la fronde de certains milieux affairistes franco-allemands
contre les décisions atlantistes de leurs gouvernements…
Ainsi, l’UE face aux États-Unis,
c’est un peu Carthage face à Rome : une puissance commerciale face à une
puissance militaire, mais sans les mercenaires d’Hannibal. L’UE n’a aucune
volonté de puissance, ou tout du moins de défense de ses intérêts stratégiques
commerciaux, et n’a même pas la moindre vision si ce n’est de demeurer une sorte
de « grand marché mou », pillable à terme par tous les
opérateurs extra-européens. Tout au plus, Jean-Claude Juncker, Président de la
Commission européenne, n’annonce-t-il que quelques pitoyables représailles sur
le tabac, le bourbon et les jeans…
Deuxièmement, une dynamique
de récupération de la souveraineté de l’État américain, qui est
structurellement opposée à la doctrine libre-échangiste de l’OMC. Et c’est cette dynamique qui doit être
comprise ici comme étant éminemment positive, à la fois pour les États-Unis et potentiellement
pour l’Europe (à condition de la distinguer de l’Union Européenne).
C’est là certainement une action
parmi les plus spectaculaires qui ont été opérées depuis le début de la
présidence Trump, aux côtés de la renégociation
des accords de libre-échange (TIPP et ALENA) : des accords en fait conçus
pour ruiner les nations les plus développées (ici : les États-Unis), en
instrumentalisant sans cesse contre elle les des nations les moins développés
(ici : par le moyen des délocalisations au Mexique ou en Asie). Mais cette instrumentalisation opérée par les
milieux financiers n’est cependant jamais dans l’intérêt d’un quelconque
État-nation, mais bien dans l’intérêt exclusif des opérateurs financiers
bénéficiant de tous ces phénomènes de délocalisation.
Pour ce sujet comme pour de
nombreux autres, il nous faut nous poser une meilleure question : celle
de la légitimité, tant de l’UE que de l’OMC.
Car l’une comme l’autre de ces deux institutions n’en ont aucune, elles
ne représentent aucunement les intérêts des peuples des Etats-nations, mais
bien plus ceux des seuls intérêts financiers et affairistes ayant œuvré depuis
des années pour la mondialisation. Ceux-là œuvrent invariablement pour un
monde sans frontières, permettant inlassablement de maximiser des profits
illégitimes en créant partout la ruine, au besoin par la corruption et
l’illégalité.
L’OMC n’est que l’application au
monde du modèle économique historiquement anglais : « acheter pas
cher pour vendre cher », c’est-à-dire une logique de
boutiquier considérant les salaires versés à son propre peuple uniquement comme un manque à gagner pour
la City. L’UE a été conçu dès l’origine, et surtout depuis l’Acte Unique
Européen (1986), selon le même modèle : et elle se fait aujourd’hui le
chantre de ce modèle mondialiste généralisé au monde entier, oubliant
soudainement qu’elle l’a subi depuis des années. Ceci, en oubliant volontiers qu’il existait un deuxième modèle d’économie
physique, dit « continental »
ou « américain » : un
modèle pour lequel les salaires et le développement social, permettait la
créativité, l’innovation soutenues toutes deux par la finance et les assurances,
la somme du tout forgeant les succès économiques d’un peuple. Les
puissantes classes moyennes lettrées allemandes jusqu’à la Première Guerre
mondiale, ou américaines jusqu’aux années 1990, la réputation de qualité et de
robustesse qui fut associée aux produits manufacturés dans ces deux pays, en
furent les conséquences les plus indiscutables…
Cette dualité entre deux modèles économiques fut parfaitement
décrite par les économistes de Lincoln (Peshine Smith et Henry C. Carey), elle semble juste en apparence oubliée
aujourd’hui face au triomphe apparent du modèle britannique généralisé au monde
sous l’égide de l’OMC. Ceci, pour le plus grand bonheur des intermédiaires
financiers qui encaissent les profits des délocalisations jouant sur le dumping
tous azimuts. C’est le modèle qui fut historiquement
désiré et promu par la City de
Londres et par Wall Street, se
nourrissant de la ruine des États-nations, mais ce modèle ne fut jamais conçu
dans l’intérêt de ces-dits États-nations…
Il faut comprendre que les
États-Unis ont été spécialement ciblés par ce modèle mondialiste. Plus
concrètement : la démolition
sociale des États-Unis a été sciemment ourdie par le conglomérat d’intérêts
gravitant autour de Wall Street, dès le milieu des années 1970.
Or c’est précisément cette
démolition sociale des États-Unis par Wall Street, qui est interrompue par la « Trumponomique »,
c’est-à-dire le fait que Donald Trump prétende revenir (au moins en partie) à
un système de souveraineté économique : c’est le seul à même de « ramener
les emplois aux États-Unis », c’est-à-dire revenir tout simplement au bon
sens, plutôt que de générer sans cesse « des esclaves d’un côté, des
chômeurs de l’autre »…
Car il faut garder à l’esprit
que les délocalisations massives survenues depuis les années 1970, ont été voulues
non pas par la Chine, mais bien par Wall
Street, au mépris des intérêts stratégiques des États-Unis. Moyennant au
passage de lourdes complicités notamment
avec les Clinton, lourdement
corrompus tant par des intérêts chinois que par de grandes firmes comme Walmart, bénéficiant de toutes ces
délocalisations maximisant les profits. Et d’ailleurs, derrière des
candidats « contre-feux » érigés contre Trump, comme Ted Cruz, il y
avait toute cette idéologie mondialiste de
l’ALENA promue historiquement par le Bilderberg,
voulant faire de l’Amérique du Nord une grande zone sans frontières :
utilisant les Mexicains artificiellement paupérisés par Wall Street pour
faire baisser les niveaux sociaux américains, tandis que le Canada
était lourdement subverti depuis les années 1990, aboutissant à une marionnette
sidérante comme Justin Trudeau aujourd’hui...
Or cette logique consistant à plumer sans cesse les uns par l’instrumentalisation
des autres, à instrumentaliser les plus pauvres pour détruire sans cesse
les moins pauvres et en excitant partout les haines artificielles, n’est que
l’un des deux modèles économiques existants. Par opposition, c’est bien
le modèle historiquement américain d’économie
physique, dit également « continental » (plus ou moins
mis en œuvre par tous les pays européens saufs l’Angleterre avant la Première
Guerre mondiale), qui est ici réactivé par Donald Trump. Il est notamment
caractérisé par des droits de douane qui sont l’objet de la présente décision
de Trump, dont la fonction première est de permettre de développer des
entreprises nationales performantes « en vase clos », protégées de la
concurrence déloyale internationale jouant sans cesse sur le dumping social.
Face à cette évolution positive
pour les États-Unis mise en œuvre par Donald Trump, consistant à revenir à une
souveraineté économique assumée quitte à mépriser cordialement tant l’OMC que l’UE,
un autre risque est cependant à craindre,
qui est en fait d’ores et déjà identifiables depuis la victoire de Trump : la riposte finale de Wall Street
visera immanquablement cette évolution aux États-Unis, à travers le glissement
mondial vers la sortie du système de Bretton-Woods et donc du dollar.
Ceci, outre de lourdes tentatives de
déstabilisations intérieures visant les États-Unis comme l’affaire de
Charlottesville, caractérisées notamment par les techniques d’agit’prop chères aux
milieux subversifs ayant pignon sur rue à Wall
Street, via des entremetteurs hautement subversifs comme George Soros…
Cet abandon du système de Bretton-Woods et du pétrodollar constitue également
un enjeu caché, qui se profile derrière toute la dynamique de chantage
économique imposée par les États-Unis à l’Iran, avec parallèlement une
stratégie d’entrisme que joue Wall Street à l’encontre de la Chine…