Vendredi
21 septembre 2012: un jour de honte.
Il
y a une semaine, quatre héros américains ont été assassinés en Libye. Il y a 40
ans, presque jour pour jour, c'était deux fois ce nombre de diplomates
américains, opérationnels du Renseignement et Officiers du Service Diplomatique
[Foreign Service Officers - FSO[1]] qui
était brutalement tués à Téhéran, Iran, par un groupe terroriste appelé les Mujahideen-e-Khalq (MEK). Ce nom
signifiant les "guerriers sacrés du peuple d'Iran".
Comment
est-ce que je le sais? J'y étais. J'étais présent durant l'assassinat, au côté
de mon chef INR [Bureau of Intelligence and Research (INR)[2]], qui m'avait informé (briefé) quant à tous les aspects des activités
des MEK en matière d'assassinats. En tant qu'Assistant du Secrétaire d'Etat
Adjoint [Deputy Assistant Secretary of State], j'avais aidé à développer une
stratégie et des tactiques pour le Bureau du contre-terrorisme [Office of counter terrorism). À cette
époque, je croyais vraiment que je servais mon pays et sauvais des vies
américaines. À présent, je dois admettre
que j'ai été défait et avalé par la propagande monstre incroyable qui était et
est toujours gorgée de mensonges, distorsions, pleine de cupidité et d'autopromotion
[self-aggrandizement[3]].
Bien des années plus tard, cette machine de propagande
à réussi à "délister" le MEK en tant qu'organisation terroriste. Je suis outré que notre commandement
militaire et civil, de concert avec le cabinet de lobbying de Washington D.C. DiGenova
& Toensing, soit parvenu à faire passer le MEK comme n'étant plus une
menace aujourd'hui... et d'après Victoria Toensing, « le MEK a abandonné la violence ». Ironiquement, c'est sous le règne
de la Secrétaire d'État [Hillary] Clinton[4],
que le MEK fut ainsi "délisté", alors que c'était son mari le
Président [Bill] Clinton, qui avait mis le MEK sur cette liste des
Organisations Terroristes Etrangères [Foreign Terrorist Organization List - FTO].
Voilà ce que
beaucoup d'argent et des amis puissants en haut lieu peuvent faire... : effacer
des meurtres.
Comme la plupart des Américains, je
me sens trahi par nos politiciens corrompus, nos systèmes financiers,
militaires et de Renseignement qui semblent avoir été balayés, bien sûr au
moins depuis l'époque du 11 septembre 2001.
Je pose une
fois encore la question qui fut posée à l'infâme Sénateur Joseph McCarthy[5]
: « vous n'avez pas honte? »
[1] Officier du Service Diplomatique
[Foreign Service Officer, FSO] :
membre (on dirait plutôt "agent" ou "fonctionnaire") commissionné
du Service Extérieur/Diplomatique des États-Unis [United
States Foreign/Diplomatic Service], qui constitue une partie importante du corps diplomatique
des États-Unis (ne pas confondre avec la traduction littérale qui pourrait
faire penser aux "Services Extérieurs",
c'est à dire le Renseignement extérieur comme la DGSE française ou le SVR
russe).
Ils sont considérés comme "généralistes" [Generalists]
et passent l'essentiel de leurs carrières à l'étranger, rattachés aux Ambassades,
Consulats et autres Missions des États-Unis.
Certains reçoivent leurs
assignations au sein du Commandement de Combat Unifié [(Unified) Combatant Command - UCC], dont dépendent les forces
militaires américaines, ou au Congrès (Parlement américain) ou bien encore au
sein des institutions d'instruction, comme les différentes Universités
Militaires américains [U.S. War Colleges].
Il y a cinq
différents types/voies de carrière ["cones" = cône] pour ces "généralistes"
au sein du Service Diplomatique du Département d'Etat [ State Department Foreign Service] :
–Officiers Consulaires (Consular Officers) : chargés principalement des rapports avec
les citoyens américains concernant des activités comme l'adoption, ou en charge
des évacuations en cas de désastre.
–Officiers Economiques (Economic Officers) : qui travaillent
avec les agences économiques étrangères, facilitant les dossiers économiques et
les arrangements de politique étrangère concernant la technologie et la
science.
–Officiers de Gestion (Management Officers) : régissant le
personnel et les affaires budgétaires de l'Ambassade/Consulat.
–Officiers Politiques (Political Officers) : responsables des
interactions avec les gouvernements étrangers sur les dossiers politiques et
les négociations.
–Officiers Diplomatiques Publics
(Public Diplomacy Officers) :
informe les citoyens de leurs pays respectifs, concernant les actions de l'Ambassade,
incluant les conférences de presse et autres événements éducatifs.
Aux côtés des Officiers "généralistes" du Service
Diplomatique, volontiers surnommés "pousseurs
de cookies" ["cookies
pushers"], opèrent d'autres catégories d'employés du Service
Extérieur/Diplomatique [Foreign Service
employees] : les Nationaux [Foreign Service Nationals], citoyens des pays où opèrent les
structures diplomatiques américaines, les "Spécialistes" [Foreign Service Specialist], pour
des missions variées dans huit catégories principales : administration, génie
civil, gestion des installations, technologies de l'information, informations
internationales et programmes d'enseignement de l'anglais, santé et médical,
gestion des bureaux, sécurité et application des lois. Parmi ces derniers
opèrent les "agents spéciaux" du
Service de Sécurité Diplomatique américains [Special Agents of the U.S. Diplomatic Security Service - DSS], bras
armé du Département d'État (Ministère des
Affaires Etrangères) américains. Ils peuvent aussi participer aux investigations
antiterroristes à l'étranger.
[2] Bureau de Renseignement et de Recherche [Bureau of Intelligence and Research (INR)] : bureau de
renseignement du Département d'État des États-Unis, chargé de fournir du
renseignement issu de toute source au soutien des diplomates américains, et
analysant ces informations. Fondé à l'origine en tant que "Branche
Recherche & Analyse" [Research
and Analysis Branch] de l'OSS (Office
of Strategic Services, ancêtre de la CIA entre 1942 et 1945), elle fut
transférée au Département d'État à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Le Bureau of Intelligence and Research est
présidé par le Secrétaire d'Etat Adjoint
pour le Renseignement et la Recherche [Assistant Secretary of State for Intelligence and
Research]
et fait partie de la U.S.I.C. : U.S.
Intelligence Community [Communauté Américaine du Renseignement -
CAR / Communauté du Renseignement des États-Unis - CREU].
[3] "Self-aggrandizement" : terme qui reviendra souvent dans les écrits et
entrevues de Steve Pieczenik. Traduit ici par
"Autopromotion/autoglorification", nous comprenons dès à présent
qu'elle induit un agrandissement toujours plus grand du Renseignement américain,
devenant également toujours moins efficace, notamment par l'abus de cocontractants privés civils et d'Agences multipliant ainsi les
possibilités de fuites.
[4]Hillary Clinton
fut Secrétaire d'État du 21 janvier 2009 au 1er février 2013.
[5]Joseph McCarthy : célèbre
sénateur américain connu pour sa campagne contre l'infiltration du Gouvernement
fédéral des États-Unis par les communistes entre 1950 et 1954, connue sous le
nom de « Peur rouge » [Red
Scare] (on dit plus
spontanément aujourd'hui le "maccarthysme"). On appela alors la
« Chasse aux Sorcières », les
nombreuses enquêtes qui furent déclenchées contre tous ceux qui étaient
soupçonnés de sympathies communistes, voire accusés d'être des espions à la
solde des soviétiques : notamment dans les médias, le cinéma, accusés de
relayer la propagande "rouge", mais aussi au sein du Gouvernement et de
l'Armée. Par extension, le terme de "maccarthysme" désigne des
manœuvres gouvernementales contre les milieux et idées gauchistes ou
gauchisantes, pouvant aller jusqu'à leur élimination politique au nom de la Sécurité
Nationale [National Security].
Si les enquêtes de McCarthy furent longtemps caricaturées, nombre
d'informations rendues récemment publiques ont indiqué que certains des
personnes qui furent ainsi soupçonnées, purent effectivement être coupables,
par exemple les "époux Rosenberg", techniciens nucléaires condamnés à
mort en 1953, bien qu'ayant toujours clamé leur innocence. Les historiens
reconnaissent aujourd'hui leur culpabilité (Marc
Nouschi : « La démocratie aux États-Unis et en Europe (1918-1989)
», Paris, Armand Colin, p. 286;
Herodote.net :
« 19 juin 1953, Les Rosenberg sont exécutés » ; Stéphane Courtois : « La
vérité sur l’affaire Rosenberg »
rappelle en 2003 que les Rosenberg étaient coupables d’espionnage. La
culpabilité d'Ethel Rosenberg ou la réalité de l'espionnage atomique restent
cependant contestés : voir la conférence vidéo « L'affaire Rosenberg, un problème historique en suspens », École
Normale-Supérieure, 24 mars 2005).
Voir surtout les éléments qui furent donnés
par les Services du Contre-espionnage français (DST) à travers Pierre Faillant
de Villemarest : « Exploits et
bavures du Renseignement américain » (Famot, 1978), ainsi que d'autres documents qui lui furent transmis par l'entremise
de patriotes américains. Concernant par exemple l'action subversive de
personnages comme Henry Kissinger dès
la fin de la Seconde Guerre mondiale : il fut en effet considéré dès
cette époque comme un traître
prosoviétique alors qu'il était officier américain (voir : « La face cachée d'Henry Kissinger », in « Faits
et chroniques interdits au public », précité, Tome I, p.21). D'autres
personnages américains de premier plan comme les généraux MacArthur et Patton le
puissant directeur du FBI John Edgar
Hoover, posèrent très nettement la question d'un grand complot
procommuniste interne au sein des États-Unis, non sans raison.
Ainsi, cette question adressée à
McCarthy (« vous n'avez pas honte? »)
laisse l'observateur averti songeur, qui saura la rapprocher avec des affaires
beaucoup plus actuelles...