Exactement ce que dit Pieczenik depuis des années :
La réelle signification du rapport de la Direction du Renseignement National[DNI] US sur
« le choix de la Russie d’interférer dans l’élection »
The Saker, 8 janvier 2017traduit par le Saker Francophone.
Je dois avouer que ma première réaction a été
d’ignorer tout simplement ce rapport comme étant une charge inutile
d’absurdités. Puis j’ai remarqué un blogueur ukrainien, Anatoli Sharii, qui se
moque de ce rapport pendant plus de 10 minutes. En l’écoutant, ma
première réaction a été « ce n’est pas possible – Sharii exagère ».
Mais ensuite, Sharii a commencé à citer le rapport en long et en large et je ne
pouvais en croire mes yeux (j’ai lu le texte original en anglais que Sharii
avait traduit en russe) : chaque mot que prononçait Sharii était vrai.
C’est alors que j’ai décidé de télécharger ce document et de le lire. Il est
incrusté ici pour que vous puissiez le lire aussi. Lisez le texte entier,
s’il vous plaît. Il est absolument incroyable.
Avant d’entrer dans les détails, je vous recommande
aussi de parcourir les deux exemples ci-dessous sur la manière dont les médias dominants étasuniens ont fourni à leurs
lecteurs un « guide » pour les aider à mieux
comprendre/interpréter ce rapport :
CNN : 10 most damning findings from report on Russian election
interference [Les 10 résultats les plus accablants du rapport sur
l’interférence russe dans les élections].
VOX : The key findings from the US intelligence report on the
Russia hack, decoded [Décodage des principales conclusions du
rapport du Renseignement américain sur le piratage russe].
Là encore, même si c’est pénible, je vous recommande
de lire en entier le texte des « guides » fournis par ces
journaux.
Maintenant, passons au contenu.
Tout d’abord, rappelez-vous quel était le but déclaré de ce rapport : convaincre
le président élu Donald Trump que les Russes avaient interféré activement dans
les élections présidentielles américaines. Depuis que Trump a exprimé
ouvertement et à maintes reprises son profond scepticisme sur toute cette
question, ce rapport est ce que les néocons ont trouvé de mieux pour essayer
de le faire changer d’avis.
Ensuite, il y a cette phrase essentielle sur la
première page du rapport : « Alors
que les conclusions du rapport sont toutes prises en compte dans l’évaluation
classifiée, le rapport déclassifié n’inclut pas, et ne peut inclure, les
informations qui les confirment, y compris le renseignement spécifique, ses
sources et ses méthodes ».
Traduit en clair, cela signifie ceci : « Comme
nous ne pouvons pas vous dire exactement comment nous savons ce que nous
savons, de peur que des sales types découvrent un super-secret sur les méthodes
de collecte des renseignements, nous vous promettons que les conclusions
rendues publiques aujourd’hui sont appuyées par notre enquête ».
En d’autres termes, tandis que les « sources
et les méthodes » sont gardées secrètes, les conclusions rendues
publiques résument fidèlement nos constats.
En termes encore
plus simples, nous pourrions dire : « Nos conclusions sont
complètes, il n’y a pas d’autres conclusions gardées secrètes, seuls nos
méthodes et nos moyens ont été classifiés ». Fondamentalement, cela
signifie que c’est tout ce que les néocons ont obtenu.
Donc voici ce que dit le rapport :
1.
Les Russes
étaient critiques à l’égard du processus démocratique étasunien (page ii).
2.
Poutine & Co préféraient Trump à
Clinton (page ii).
3.
Les médias
russes (d’État et privés) étaient critiques à l’égard de Clinton (page ii).
4.
L’agence du
Renseignement militaire russe GRU est derrière des hackers bien connus (pages
ii et iii).
5.
Les Russes
ont eu accès aux conseils électoraux étasuniens, mais cela n’a pas affecté le
décompte des votes (page iii).
6.
Les Russes
utiliseront à l’avenir cette expérience contre les alliés des États-Unis (page
iii).
Voilà. Sérieusement. C’est tout ce qu’ils ont obtenu. Le reste du rapport n’est qu’une sorte
de discussion vague remplie de « nous évaluons », « nous
croyons » et autres « expressions estimatives » (expliquées
à la page 13 du rapport).
Le plus surprenant est que, dans les 25 pages du
rapport, il n’y ait PAS UN SEUL
ÉLÉMENT DE PREUVE. ABSOLUMENT
RIEN. Ce que nous avons est ce que je ne peux qu’appeler des « plaintes politiques »
(points 1 à 3 ci-dessus) et des
allégations totalement sans fondement de surveillance de divers
serveurs/réseaux/ordinateurs américains.
Et ça, mes amis, c’est absolument stupéfiant.
Pourquoi ? Parce que dans le premier exemple, les agences de Renseignement
US se plaignent que les Russes ont fait usage de leur droit divin d’exprimer
leurs opinions et leurs préférences tandis que dans le second, les États-Unis se plaignent que la Russie
fassent exactement ce pourquoi la plus grande agence de renseignement
américaine – la NSA – a été créée : surveiller les autres.
La moitié du rapport, à peu près, est fondamentalement
une longue diatribe paranoïaque sur combien RT et Sputnik
sont efficaces et combien ils sont devenus populaires en Occident.
Sérieusement, ils essaient de convaincre Trump que les Russes sont méchants,
méchants, méchants en disant que RT fait de bonnes émissions de
débats ! Cela me dépasse, tout simplement.
Quant à savoir si le GRU est lié d’une manière ou
d’une autre à Guccifer ou à DCLeaks.com
– c’est totalement risible et ils pourraient aussi bien affirmer que les
services de Renseignement sur Mars sont liés à Wikileaks ou que les machines russes
à voyager dans le temps étaient impliquées dans l’assassinat de JFK.
Franchement, c’est aussi boiteux que
pathétique.
Je ne sais
pas ce que Trump a pensé lorsqu’il a écouté ce tas de fumier, mais je sais que
si j’avais été à sa place, j’aurais littéralement éjecté les gens présentant ce
rapport dans les escaliers de ma maison et j’aurais immédiatement licencié
toutes les personnes et les bureaux liés à la rédaction de ce texte.
Pourquoi ?
Parce qu’ayant rédigé moi-même des rapports
analytiques, je sais que celui-ci est si mauvais et si vague qu’il aurait été inacceptable, même venant d’un analyste
junior de première année, sans même parler de hauts responsables du
renseignement. Ensuite, parce que ce
rapport ne contient pas le moindre renseignement utile.
Donc les Russes n’aiment pas Hillary et ils le disent.
Quel est le problème ? Hillary était la Secrétaire d’État américaine la
plus incompétente et russophobe dans l’Histoire des États-Unis et si elle avait
été élue, les risques d’une guerre thermonucléaire auraient été immenses.
Est-il vraiment surprenant que la plupart des Russes (y compris votre
serviteur) la haïssent, la méprisent et la craignent absolument ?
Qu’est-ce que Trump est supposé faire maintenant ? Appeler Poutine et lui
dire : « Vladimir, dites s’il vous plaît à RT de ne pas
critiquer les personnalités publiques américaines ! » ? Et qu’est-ce que Trump serait supposé
répondre si Poutine lui répondait : « Donald, les États-Unis ont
profondément interféré en Russie, vous avez gouverné notre pays dans les années
1990, vous avez truqué nos élections, vos tireurs d’élite ont tiré sur notre peuple
depuis le toit de votre Ambassade en 1993 et vos médias m’ont diabolisé
personnellement depuis des années maintenant – et vous voulez que je modère
RT ? ».
La bonne
nouvelle est que Trump a fait ce qu’il fallait : il s’est moqué de ce
rapport totalement risible et a réitéré son désir d’entretenir de bonnes
relations avec la Russie :
Ce ne
devrait cependant pas être la fin de l’histoire.
Non seulement ce rapport est une tentative bâclée et
pathétique de servir les intérêts politiques étroits des néocons, mais c’est
aussi une immense tache sur la réputation déjà délabrée de la Communauté du Renseignement
étasunien. Nous avons
déjà eu les armes chimiques de Saddam Hussein, nous avons déjà eu les
absurdités erratiques sur le programme nucléaire militaire iranien, et
maintenant nous avons cette interférence directe dans la politique intérieure américaine,
d’un niveau de jardin d’enfants.
Si les États-Unis étaient un genre de petit pays sans
importance comme, disons, l’Estonie, ce ne serait pas grave. Mais
lorsque les contribuables étasuniens dépensent des millions pour financer non
pas une, non pas deux ou trois, mais 16 agences de renseignement et que tout ce
que celles-ci peuvent produire est cette sorte de merde totale, il y a un
problème. Un problème est encore aggravé par le fait que ce genre
de « renseignement » est ce que le président utilisera pour
prendre des décisions importantes, y compris celle d’entrer en guerre et même
d’utiliser des armes nucléaires.
Donc si amusant
que ce soit, c’est aussi effrayant. Il
semble que la Communauté américaine du Renseignement a été si complètement
politisée qu’elle est incapable de remplir sa tâche la plus importante :
informer les décideurs étasuniens.
J’arrive de nouveau à la même conclusion : Trump
doit sévir durement, très durement, contre la communauté américaine du
renseignement, en particulier la CIA. La communauté toute entière doit être réformée et radicalement réduite
en taille. En matière de Renseignement, plus n’est pas mieux, et une Communauté
du Renseignement immense et gonflée de 16 organismes est quelque chose qu’aucun
pays dans l’Histoire n’a jamais tenté. Ce n’est pas seulement un gaspillage de
ressources total, c’est extrêmement dangereux.
Les Russes se sont plaints depuis des années de ce
qu’ils appelaient poliment le « manque de professionnalisme » de
leurs collègues américains. Ils commenceront sans doute à déplorer ouvertement
le « manque de
professionnalisme » des Services de Renseignement étasuniens.
Pourquoi ? Parce que la sécurité russe dépend beaucoup des rapports
fiables et compétents des Services de Renseignement américains sur la Russie
présentés au Président des États-Unis. Une Communauté du Renseignement
compétente dirait au Président que la Russie n’est en aucune manière une menace
et que travailler avec elle sur la base d’intérêts sains, d’un bon sens de base
et du respect mutuel serait à l’avantage des deux pays. Mais en ce moment, la
Communauté du Renseignement US ne fait qu’aggraver la situation et cela nuit à
la fois aux États-Unis et à la Russie.
Trump
devrait nommer à la tête du FBI quelqu’un doté d’« une tête froide, un
cœur brûlant et des mains propres » (pour reprendre l’expression de Félix Dzerjinski) et ordonner des mesures de répression
massives sur le Congrès, les médias et la communauté du Renseignement
américains. Exactement comme Poutine l’a fait en Russie, et comme les
États-Unis ont agi avec les liens d’Al Capone, il peut probablement avoir la majorité d’entre eux sur des accusations
de corruption, d’obstruction à la justice, de fraude, d’abus de pouvoir, de
conspiration criminelle pour frauder, etc. Le Congrès (qui s’est toujours
senti au-dessus des lois) et la Communauté du Renseignement (qui utilise le
secret pour dissimuler la corruption) devraient être particulièrement
vulnérables à cette tactique.
Pour Trump et, dirais-je, pour les États-Unis en tant
que pays, il est vital de purger les niveaux supérieurs du pouvoir de ces
clowns incompétents et malhonnêtes. D’ailleurs, ils ne laisseront pas Trump
seul ni ne lui donneront une chance honnête de faire ses preuves. Et les néocons ne peuvent pas être apaisés,
ils veulent toujours plus. À moins que Trump n’agisse immédiatement contre eux
dès qu’il entre à la Maison Blanche, sa présidence courre à l’échec, tout comme
l’avenir des États-Unis.