Article
Original paru sur Consortium News (Robert Parry, 3 juin 2016, repris par Russia
Insider et le Saker francophone :
En
tant que Présidents, les deux sont capables de mettre fin à toute vie sur
Terre, mais pour des raisons très différentes...
Hillary Clinton a monté un dossier solide pour
expliquer pourquoi remettre les codes nucléaires à un Donald Trump
président serait une idée effrayante, mais, à l’inverse, il pourrait y avoir
des raisons égales ou même supérieures de pas les lui donner, à elle.
Dans
la zone la plus probable où une guerre nucléaire pourrait éclater – le
long des frontières de la Russie – Clinton apparaît comme la plus belliqueuse
des deux.
Dans
la vision du monde de Clinton, le président Vladimir Poutine, qui a été élu à
plusieurs reprises, et affiche une cote de popularité de 80% environ,
n’est rien d’autre qu’un dictateur qui s’est engagé dans une
agression qui menace l’OTAN, après le changement de régime
soutenu par les USA en Ukraine.
« Moscou a pris des mesures militaires agressives en
Ukraine, au seuil de la porte de l’OTAN », a-t-elle déclaré.
Mais arrêtez-vous une seconde et réfléchissez à ce que dit Mme
Clinton : elle voit, dans la réaction de la Russie au coup d’état
anticonstitutionnel en Ukraine qui a installé un régime anti-russe virulent à
sa frontière, une action agressive de Moscou « au seuil de
l’Otan. »
C’est
bien l’OTAN, dont le rôle était de protéger l’Europe occidentale
de l’Union soviétique, qui, suite à l’effondrement de celle-ci, a
intégré dans l’alliance tous les pays d’Europe Centrale, l’un après
l’autre, jusqu’à la frontière de la Russie. En d’autres termes, l’OTAN a
montré ses muscles sous le nez de la Russie et a annoncé son intention
d’intégrer aussi l’Ukraine, mais quand la Russie réagit, c’est elle qui
provoque.
L’interprétation
néoconservatrice de Clinton sur ce qui se passe en Europe est tellement
inversée et tordue, qu’elle pourrait finalement devenir
le détonateur provoquant une guerre nucléaire entre la Russie et
l’Occident.
Alors
qu’elle considère la Russie comme agressant l’OTAN, les Russes
voient l’OTAN déplacer des troupes à ses frontières et déployer des
systèmes anti-missiles balistiques en Roumanie et en Pologne, ce qui rend une
attaque nucléaire de première frappe contre la Russie plus facile à réaliser.
La Russie a clairement fait savoir qu’elle considère ces déploiements
militaires, à quelques kilomètres seulement des grandes villes russes, comme
une menace existentielle.
En
réponse, la Russie remonte ses niveaux d’alerte et met à niveau ses
forces stratégiques. Pourtant, Hillary Clinton croit que les Russes n’ont
aucune raison de craindre l’encerclement militaire de l’OTAN, ni aucun
droit de résister à des coups d’état soutenus par les américains dans les
pays de sa périphérie. C’est une telle opposition de points de vue,
qu’elle peut transformer une étincelle en brasier incontrôlable.
Ce
qui pourrait se produire, par exemple, si les milices nationalistes
ukrainiennes – et même néo-nazies – qui exercent un pouvoir de plus en
plus important sur le régime corrompu et indécis de Kiev,
reçoivent des armes modernes en provenance d’une administration
présidée par une Clinton au verbe haut et lancent une offensive pour
exterminer les Russes ethniques dans l’est de l’Ukraine et pour récupérer la
Crimée, où 96% des électeurs ont choisi de faire
sécession pour rejoindre la Russie ?
Par
ses déclarations, une Hillary Clinton dans le fauteuil présidentiel
se mettrait en position d’appuyer cette libération du «territoire
occupé par les russes» et ses propagandistes adroits sauraient
sûrement présenter cette «lutte héroïque» comme une guerre du bien
contre le mal, de la même manière qu’ils ont justifié les sanglantes
invasions US de l’Irak et de la Libye, soutenues par Clinton, d’abord
en tant que sénatrice, puis comme secrétaire d’État, respectivement.
Que
se passera-t-il si les forces ukrainiennes tirent alors des missiles
frappant la base navale russe à Sébastopol en Crimée, tuant quelques-uns des
20.000 soldats stationnés là-bas et infligeant des dommages à la flotte de
la Russie en mer Noire ? Que faire si les durs du Kremlin obtiennent finalement
gain de cause et envoient l’armée russe pour une véritable invasion
de l’Ukraine, écrasent son armée, foncent sur Kiev et
accomplissent leur propre changement de régime ?
Étant
donné ce que nous savons à propos des paroles emportées de Clinton, les
chances sont fortes de la voir opter pour une escalade – ce qui
pourrait ouvrir la voie à une guerre nucléaire, peut-être déclenchée parce
que les Russes craindraient l’imminence d’une première frappe de l’OTAN,
rendue possible par les bases ABM en Roumanie et en Pologne. Comment
répondrait la présidente Hillary Clinton ? Se mettrait-elle à la
place des dirigeants du Kremlin en cherchant une façon de désamorcer
la situation, ou ferait-elle monter la tension en intensifiant la crise
par l’activation des forces militaires de l’OTAN pour contrer cette agression
russe ?
Les guerres non-nucléaires de Clinton
Il
y a d’autres zones dans le monde, où une présidente Hillary Clinton
irait probablement en guerre, mais à un niveau sous-nucléaire.
Pendant la campagne électorale, elle a clairement fait savoir qu’elle avait
l’intention d’envahir la Syrie une fois qu’elle aurait pris ses fonctions, même
si elle déguise ses invasions sous des prétextes humanitaires,
tels que la création de zones de sécurité et de zones
d’exclusion aérienne.
En
d’autres termes, bien que condamnant l’agression russe, elle
préconise une guerre d’agression elle-même, apparemment incapable de
reconnaître ses hypocrisies et n’admettant ses erreurs qu’à
contrecœur, comme son soutien à l’invasion de l’Irak.
Ainsi,
même si jeudi elle a marqué des points forts à propos du tempérament
de Trump qui serait incompatible avec la fonction de commandant en chef,
elle a manifesté elle-même un caractère rude tout aussi troublant,
bien que d’une manière différente.
Trump tire avant de
réfléchir et a une susceptibilité à fleur de peau, tandis que Clinton est
tendue, sur les nerfs et également susceptible. Trump exprime ses
émotions à l’état sauvage tandis que Clinton se contrôle excessivement.
Trump se livre à des échanges rugueux avec ses critiques ; Clinton tente
de mettre ses prises de décision (et ses e-mails) à l’abri de ses
critiques.
Clinton
a saupoudré son discours dénonçant Trump, avec des insultes gratuites
visant Poutine et des gifles peu diplomatiques à la Russie, telles que : « Si
Donald atteint son but, ce sera la fête au Kremlin. Nous ne pouvons pas
laisser faire ça. » Il est difficile de dire quel ensemble de
comportements est le plus dangereux. On peut imaginer Trump agir sans-façons ou
avoir des rencontres diplomatiques chaotiques, aussi bien avec ses alliés
qu’avec des adversaires, tandis que Clinton sera comploteuse et
calculatrice, exigeant la coopération inconditionnelle de ses alliés et la
capitulation de ses adversaires.
En
bref, il y a lieu de craindre l’élection de l’un ou l’autre de ces candidats,
l’un à cause de son caractère imprévisible et l’autre à cause de sa rigidité.
On peut se demander, comment les deux principaux partis politiques en sont
arrivés à ce stade, mettre les codes nucléaires à la portée de ces deux
personnalités sans doute inaptes ?
Robert
Parry