Le
4 janvier 2016, le Col. Gen. Igor Sergun, ancien directeur[2]
du principal Service de Renseignement de l'Etat-Major Général russe (le GRU), est mort au jeune âge de 58 ans de
causes inconnues.
Pour
la plupart des connaisseurs du milieu du Renseignement, Igor était décrit comme
un opérationnel efficace et discret, chargé de consolider le pouvoir de la
Russie à ses frontières (rappelez-vous qu'elles s'étendent sur 11 fuseaux
horaires), tant dans les aspects immédiats et proches que lointains et indirects.
Igor
et son camarade du Kremlin, Vladislav Surkov, ont été loués pour leur approche innovante d'une stratégie de guérilla
au soutien des « chefs séparatistes » en Ukraine de l'Est. Malheureusement pour
Igor, lui et ses camarades du GRU n'étaient pas très populaires auprès du FSB (l'ancien KGB[3]), au qui fut auparavant dirigé par le saint patron de la Russie,
Vladimir Poutine.
Ainsi
que l'on aurait pu s'y attendre dans une nouvelle de Tom
Clancy[4], tant le FSB que le GRU étaient en compétition ensemble pour le contrôle
du Renseignement intérieur et extérieur. Chacun d'eux manœuvrant afin d'obtenir
des positions au sein des grandes salles du Kremlin[5].
Il
apparaissait que le GRU était en train de gagner cette compétition, jusqu'à ce
que le FSB recueille la plus grande part du contrôle, tant sur la Tchétchénie
que sur l'Ukraine durant ces dernières semaines.
Plus
intéressant encore ont été les rumeurs au sein de la CR [Communauté du
Renseignement / IC - Intelligence Community], tendant à indiquer que Sergun
n'est en fait pas mort d'une attaque cardiaque[6].
Au lieu de cela, il est évoqué qu'il a
pu mourir au Liban ou en Syrie.
Dans
les deux cas, il apparaît que Poutine essaye de serrer les rênes de son contrôle
sur les différents Services de Renseignement en compétition[7].
Ce
qui rend cet enjeu encore plus intéressant, c'est le fait que le FSB et d'autres
unités au sein de la CR, aient été vidés
des fonds nécessaires durant ces dernières années, à mesure que les prix du
pétrole s'effondraient de quelques 100$ à 20$ le baril[8].
Et tandis que la Russie s'enfonce dans un chaudron économique d'émeutes
potentiellement imminentes, Poutine est préoccupé par le fait qu'il puisse ne
plus être capable de gérer ce qui pourrait se révéler comme une prochaine
révolution (mais pas bolchévique[9]).
Le
peuple russe est stoïque. Cependant il est aussi attitré du surnom "pain-beurre-vodka".
Si ces nutriments basiques ne lui sont plus fournis, alors Poutine doit se
soucier de la loyauté de son appareil de sécurité intérieur, qui doit
superviser plus de 80 différentes fédérations
(dont 20 sont déjà en banqueroute).
Depuis
ma perspective, je pense que cette mort soudaine et inattendue d'un général du
GRU, signifie que Poutine et ses cohortes du Kremlin sont dans un trouble
sérieux.
La
mort mystérieuse d'un général sénior du GRU,
ne décourage pas Poutine. Elle peut
cependant présager des problèmes politiques économiques grandissants.
Le
temps n'est pas du côté de Poutine. Le seul facteur qui lui reste et de prier
pour l'Eglise Orthodoxe russe, tandis qu'il réprime les dissidents potentiels.
Quelle
alliance impie !
Boshen Daragoy![11]
Dieu
nous vienne en aide!
NB : Là encore, nous considérons cette analyse comme discutable, si ce n'est malavisée. Nous envisageons par contre la possibilité, que Pieczenik fasse passer discrètement l'information concernant la mort possible de Sergun en Syrie, camouflée sous une appréciation dominante "ambiance Guerre froide". Lui seul en connaît certainement les raisons... (cf. la publication de Stratfor plus bas, que Pieczenik connaît bien : "A Mysterious Death Raises Questions in Russia". Stratfor, 6 janvier 2016).
Plusieurs des commentaires des lecteurs habituels et souvent remerciés par Pieczenik vont dans ce sens :
« Travaillant au Liban, il [Sergun] pourrait
avoir été assassiné d'une façon que les Russes ne sont pas prêts à admettre. Ayant
des ennemis à l'Ouest et à l'est, nous devrions voir quelque chose dans le
futur, qui ressemblerait à une réponse russe au possible assassinat [de Sergun]
» [commentaire de dltravers,
10 janvier 16, 15:46]
« Dr. Pieczenik, votre hostilité est déplacée.
Il n'y a aucune preuve au soutien de votre
accusation implicite contre Poutine. Pourtant vous la proférez. Peut-être, que
ce n'est que de la spéculation oiseuse.
De
faibles prix du pétrole ne vont pas se faire s'effondrer l'économie russe. Que
vous répétiez cette même rengaine de l'élite, me suggère que vous puissiez considérer
avec trop de confiance les médias PC
[Principaux Courants/Politiquement Corrects], et leurs experts principalement
néoconservateur, qui attaquent constamment Poutine car ils barre la voie de
leur agenda destructeur.
Poutine
s'est régulièrement débrouillé pour confronter l'élite corrompue de Washington.
En fait les faibles prix du pétrole font
plus mal à l'Arabie Saoudite qu'à la Russie. L'Arabie Saoudite a été dupée (possiblement)
[en étant poussée à] s'étendre [référence à l'Etat Islamique...], et à présent
elle n'a plus d'autre choix que de pomper des volumes de pétrole toujours plus
important à fin de payer ses dettes aux banques de l'Ouest.
Voyez l'élite corrompue frappée dans le dos
de leurs plus loyaux vassaux. Il n'y a pas de loyauté au sein de cette élite.
La Russie est bien plus indépendante et autosuffisante
que ce à quoi vous apportez ici du crédit, Dr. Pieczenik.
Les
vieilles habitudes ont la peau dure, je sais, et ce vieux réflexe "Guerre
froide" contre l'URSS semble encore assez fort dans le vieux guerrier de
la guerre froide qu'est le Dr. Pieczenik.
La Russie et Poutine veulent la stabilité (afin
de développer leur économie), tandis que l'élite de l'Ouest veut le chaos, afin
de pouvoir contrôler les ressources par le moyen d'une monnaie fiduciaire
illimitée (pétrodollars), veut tout faire repartir à zéro [après une Troisième Guerre
mondiale]. C'est la raison pour laquelle il tente encore et encore de détruire
tant d'infrastructures dans les pays ciblés.
Russie
et l'Amérique sont des alliés naturels [référence à l'ère Lincoln durant
laquelle le Tsar Alexandre II envoya sa flotte à Ney-York et San Francisco afin
de marquer son soutien aux États-Unis contre l'activisme britannique, qui avait
fomenté la guerre civile aux États-Unis, 1863].
C'est l'élite criminelle qui veut diviser
l'Amérique de la Russie, en tant que composante de la même stratégie toujours
employée: « diviser et conquérir » [«divide et impera », on dit plus
spontanément en français « diviser pour mieux régner »]
Dr.
Pieczenik, ne buvez pas les sornettes du New York Times, vous êtes bien
meilleur que cela. » [commentaire d'"Anaconda", 11 janvier 2016, 8:31]
[1] « Death
Becomes Putin! » : référence au
titre du film La mort vous va si bien (Death Becomes Her),
comédie policière fantastique américaine (Robert Zemeckis, 1992).
[2] « Mort d’Igor Sergoun, patron des services de
Renseignement de l’Armée russe » (Le Monde.fr/AFP, 5 janvier 2016).
[3] Nous considérons que ce point d'appréciation par S.
Pieczenik est quelque peu obsolète, héritage
certainement de son service de l'État américain durant la Guerre froide où il y
fut confronté : il fut tout à fait réel qu'une
grande méfiance existât de la part des bolcheviques puis des soviétique contre
l'Armée russe, même devenue Rouge, car elle était la seule institution qui
aurait été à même de renverser le Système. Ce fut la raison voilée derrière
l'affaire Toukhatchevski,
qui permit précisément d'incapaciter la frange patriotique russe de l'Armée
rouge. Elle fut ensuite décimée à l'occasion de la Seconde Guerre mondiale des
suites de l'incompétence soviétique.
De façon tout à fait parallèle, la guerre
d'Afghanistan (1979-1989) fut imposée à l'Armée par le PCUS,
l'Armée n'en ayant jamais voulu. Voir à ce sujet le témoignage de première main recueillie par la princesse russe
Tatiana
von Metternich (fille du prince Hilarion
Vassiltchikov, délégué à la douma tsariste, disciple du grand Ministre réformateur
Stolypine, dont il
propagea les réformes qui auraient inexorablement coupé l'herbe sous le pied
des révolutionnaires bolchéviques) : « Ma Vraie Russie », Perrin, 1990, p.159.
[4] Rappelons que Steve Pieczenik a été un des principaux
collaborateurs de Tom Clancy, nourrissant ses nouvelles de sa riche expertise.
[5] Là encore, ce
point doit être tempéré dans son ambiance "Guerre froide" : la
revanche actuelle des "Silovkis" (membres des Forces de sécurité) au
soutien de Vladimir Poutine, se base bien plus sur l'expertise du Renseignement
militaire russe [GRU] que sur celle du KGB) : il s'agit en fait de l'expertise
de la vraie Russie, dépouillé des oripeaux du communisme.
Cette rivalité réelle
entre le KGB et le GRU, était connue du vrai Renseignement français
"historique" (c'est-à-dire ni communiste ni béatement anglophile pas
plus qu'anti-américain borné...). On ignore par contre qu'il fut en grande
partie évincé si ce n'est physiquement massacré par les cellules communistes à
la fin de la Seconde Guerre mondiale, certainement avec des complicités plutôt
britanniques américaines, sous prétexte d'une "épuration" qui
préparait en fait une révolution communiste en France (Pierre de
Villemarest en donne un exemple terrible dans « Les écrivains guerriers », entrevue avec Philippe Randa, éditions
Dualpha, 1998, où il est aussi question du duel entre KGB et GRU, que
Villemarest avait traité dans d'autres ouvrages, notamment « GRU : le
plus secret des services soviétiques 1918-1988 », éd. Stock, 1988, coécrit
avec Clifford A. Kiracoff).
NB : Silovik (силови́к ; pluriel силовики́ siloviki) : en russe
les « personnels issus des Forces »
de Sécurité (de сила, "force/puissance" via l'expression "силовые структуры",
"les structures du pouvoir",
au sens que l'on pourrait dire hérité de Max Weber, c'est-à-dire les
délégataires du « monopole de la violence
légitime », appartenant par définition à l'État). L'expression désigne par extension les serviteurs de
l'État issus de ces Services : Armée et
Renseignement en tête, FSB (l'ex-KGB [Services intérieurs]), SVR [Services
extérieurs], GRU [Renseignement militaire], FSKN [Service Fédéral de Contrôle Antidrogue], la Police et les autres
Services.
Expression qui est apparue au début des
années 1990, formant de fait les plus hauts niveaux du Gouvernement Yeltsin
puis Poutine, au gré d'une concurrence
avec les oligarques qui a été peu comprise par les observateurs occidentaux,
qu'ils soient de bonne ou de moins bonne foi... Ils furent favorisés par Poutine pour leurs compétences
et leur éthique (par opposition aux oligarques), dans la lancée de la reprise
en main de l'État amorcé par Evgueni Primakov. Le sens réel de l'expression implique une
honnêteté dénuée d'idéologie, et une orientation pragmatique vers la légalité,
le sens de l'État et prenant avant tout les intérêts nationaux russes à cœur.
Ceci au mépris courtois d'une conception fanatique de ce qui est appelé en
Occident la "démocratie", et dont cet ouvrage nous donnera d'ailleurs
une intéressante vision...
[6] Il est bon de garder à l'esprit que l'expression « arrêt/attaque cardiaque », est parfois un
euphémisme "médiatique", masquant des assassinats déguisés. Que cela
soit par poison ou par d'autres procédés comme la submersion à répétition,
aboutissant à ce que même un cœur robuste puisse s'arrêter.
[7] Formulation prêtant là encore à confusion, car deux sujets tout à fait distinct sont
évoqués : la rivalité entre les Services internes à la Russie d'une part, et
d'autre part la possibilité évoquée d'un assassinat de Segrun au Liban ou en
Syrie.
[8] Point fondamental ici que cette attrition délibérée et artificielle de la Russie par les anglo-américains, qui contrôlent les prix du pétrole depuis les bourses de Londres, New York et Chicago. D'où la raison du lancement tout récent depuis Saint-Pétersbourg, d'un contrat à terme Libellant le pétrole en roubles. Voir sur ce point fondamental pouvant amener la fin du pétrodollar : «La Russie démolit le monopole de Wall Street sur les prix du pétrole» (F. William Engdahl, 19 novembre 2015).
[9] Rapprocher: « Khodorkovski appelle à la « révolution » en
Russie » (Le Monde, 12
décembre 2015)
[11] « Боже дорогой » : formulation rare mais
pas incorrecte, correspondant plutôt à une exclamation qu'une prière (plutôt «Bon Dieu! » comme on pourrait dire «Bon sang! », plutôt que « mon Dieu! / Dieu [nous vienne en aide]! »).
On dirait plutôt en russe « боже милосердный! » (« Mon Dieu ! »), ou bien «Да поможет нам Бог/Господь! » (« Dieu/le
Seigneur nous vient en aide ! »).