(De Defensa,24 novembre 2016
L’hallucination va-t-elle s’halluciner elle-même ?
Nous avons laissé trop longuement de
côté notre ami Scott Adams, qui continue son observation de la situation des
USA, désormais après l’élection de Trump. Il est temps d’y revenir, d’autant
qu’il donne le 23 novembre une petite chronique sur un sujet bien
intéressant : A Lesson in Cognitive Dissonance. Ce titre, assez
strict, recouvre une situation assez originale et qui pourrait faire l’objet de
remarques agrémentées d’une belle ironie sur une perspective marquée des excès
considérables d’un phénomène pas vraiment nouveau parce qu’on l’a déjà
expérimenté ici et là (Syrie, Ukraine surtout) mais qui acquiert une autre
nature à cause de son ampleur, de sa profondeur abyssale et du vaste et fameux
panorama où il s’exerce. Il s’agit de savoir si une hallucination collective
qui a guidé un mouvement puissant pourrait, pour se sauver elle-même, se
transformer par le fait d’une hallucination supplémentaire, l'hallucination
initiale qui devrait, en quelque sorte, s’halluciner elle-même. Il
s’agit du puissant mouvement critique de Trump, furieusement anti-Trump,
développé pendant la campagne, fondé sur une dialectique progressiste-sociétale
extrême rendue irrésistible pour nombre d’esprits à cause de la puissance du
système de la communication manipulé par le Système et recrachée par une
presse-Système elle-même dans un stade halluciné. Scott Adams pose la question
de savoir ce que va devenir cette dynamique hallucinée devant la “réalité” qui
apparaît.
(Écrivant cela, nous respectons
l’esprit du propos de Scott Adams. En vérité, comme c’est le cas de le dire,
nous dirions selon notre propre jargon “devant cette vérité-de-situation qui apparaît” puisque nous
tenons que la “réalité objective” est pulvérisée par l’abondance des narrative
permise par la puissance du système de la communication, et que nous évoluons
avec des surgissements temporaires mais d’une extrême puissance de
vérités-de-situation que la grande majorité des sapiens, ou
zombies-Système, ne peuvent pas distinguer malgré cette puissance qui les
contraint temporairement sans qu’ils en aient conscience. Ainsi laissons-nous
ouverte de façon plus logique, moins pathologique en un sens, l’hypothèse de
l’“hallucination qui s’hallucine elle-même” comme moyen quasiment volontaire quoique
non identifiée par celui qui en use de tenter d’écarter cette contrainte de la
vérité-de-situation. [A cette occasion en effet, nous avons découvert que le
verbe “halluciner” pouvait parfaitement être utilisé de cette façon que nous étions poussé à utiliser,
et que nous utilisons effectivement. Nous l’ignorions dans notre grande
inculture, surtout des mœurs linguistiques postmoderne. Dans ce cas, c’est fort
bien car le mode utilisé, s’il rend un son vraiment peu agréable en renvoyant
au patois postmoderne du type “j’hallucine”, rend bien compte de la situation
décrite, elle-même complètement postmoderne.])
Que dit Scott Adams ? Il prend
l’appréciation du comportement de Trump depuis son élection d’un point de vue
réaliste et en toute neutralité, et il constate que Trump annonce des mesures,
rencontre des gens, déclare, tweete, etc., d’une façon qui n’illustre en aucun
cas et même qui contredit l’Hitler-postmoderne raciste, xénophobe, etc., qu’on
nous a décrit avec fureur, rage et terreur pendant des mois. (Cela ne signifie
en aucune façon et bien entendu que Trump ne doive pas être considéré d’une
manière critique, et cela se fait effectivement, notamment dans le chef de ses partisans lorsqu’il semble pencher
pour des décisions fort contestable, notamment la possibilité du choix
absolument désastreux et absolument catastrophique de prendre comme secrétaire
d’État la vieille charentaise-Système qu’est Mitt Romney, – on pourrait
difficilement trouver une décision de Trump, s’il la prend, qui serait plus une
“erreur totale” par rapport à ce qu’il prétend faire. Mais l’appréciation
critique reste largement dans le domaine de l’équilibre du jugement et de la
raison bien tempérée par l’opinion, qui n’a aucun rapport avec la critique excommunicatrice
et évoquant les flammes de l’enfer de “Trump-Hitler”.)
Nous-mêmes avons toujours eu une
position quasiment d’épuisement intellectuel devant la tâche de réfuter ces
affirmations (Trump-Hitler), tant l’évidence nous hurlait le contraire à
observer, écouter, éventuellement comprendre le personnage de Donald Trump.
L’idée est si obscène par rapport à la perception, le trait est si grossier,
l’humeur est si hallucinée (justement) qu’il y a des difficultés pour un esprit
normalement indépendant et un caractère un peu ferme à écrire une réfutation
tant l’argument charriant une évidence aussi basique décourage par son
caractère d’être presque une addition de lieux communs ; c’est-à-dire
qu’on craindrait d’être happé par la médiocrité en réfutant une vision si
complètement marquée par une hallucination d’une telle médiocrité. Quoi
qu’il en soit, il a bien fallu, ici ou là, tenter l’expérience et nous
proposerions bien, par exemple, cette description que nous en faisions, sous
l’impulsion d’appréciations faites par Michael Moore sur la façon dont Trump
s’est engagé dans cette affaire (voir le 3 octobre 2016) :
« D’autre
part, ce même texte du 17 août, même hors de la question de sa complète véracité,
permet d’avoir une meilleure perception du personnage qu’est Donald Trump, du
milieu où il évolue, de ses préoccupations et de son comportement. On ne peut
certes pas dire, sans surprise excessive, que l’impression générale soit
exaltante ; cela permet de mettre d’autant mieux en évidence l’étrangeté
de cette situation présente, avec ce milliardaire qui, sans le vouloir
et même en n’ayant aucunement l’idée de faire cela selon Moore, “a enflammé le
pays, particulièrement chez ceux qui sont l’opposé des milliardaires” ;
il est vrai, comme le remarque Moore, que Trump est beaucoup mieux dans ses
habitudes et dans son rôle à fréquenter des gens comme les Clinton ou les
Obama, plutôt que les dizaines de milliers de “Deplorables” qu’il rassemble
régulièrement autour de lui dans des meetings enthousiastes. Il s’agit
effectivement d'une sorte de “Tintin chez les capitalistes” ; une étonnante
péripétie chez les capitalistes, au cœur du capitalisme, pour une mise en cause
tonitruante par la campagne du plus capitaliste d'entre tous,
Donald Trump, de la production principale du capitalisme, – la pauvreté et
l’instabilité... Et tout cela pourrait bien être vrai, véridique, conforme
à une vérité-de-situation !
« Effectivement
encore, cette description conduit à mesurer l’abîme d’absurdité ubuesque de la
narrative concernant un Trump fasciste-nazi à peine dissimulé, avec des plans
de mise en place d’un régime oppressif extrêmement structuré, qui serait le
nième “nouvel Hitler” et le plus sérieux puisqu’américaniste (l’avez-vous
imaginé avec son fameux combiné mèche-moustaches et son Sieg Heil ? Serait-il
meilleur que Ludwig Von Apfelstrudel [“gâteau aux pommes” en allemand], demi-frère
d’Hitler, alias Jacques Villeret dans Papy fait de la résistance ?). Par
conséquent, il y a une interrogation majeure à développer sur l’extraordinaire
aisance avec laquelle une telle narrative se développe dans le jugement des
élites-Système des nations dites-civilisées, celles du bloc-BAO
essentiellement, par exemple dans des pays réputés pour leur culture constante
et attentive de l’intelligence en plus de leur position d’inspiratrices de la
civilisation, comme la France du président-poire par exemple. »
Donc, poursuit Scott Adams, Trump se
révélant peu à peu comme quelque chose de complètement différent de ce
Trump-Hitler qu’on a dénoncé pendant des mois, que vont faire “les
hallucinés” ? Vont-ils en rester à leur “vision” ? (Pour l’instant,
ce qui se passe dans les rues de villes US ne rend pas la question inutile, au
contraire elle la justifierait prioritairement.) Logiquement, Adams voit pour
ces hordes hurlantes et déchaînées une alternative : réinterpréter leur
propre perception, celle qu’ils ont eue de Trump, en la faisant passer de
“perception fondée” à “perception sans la moindre valeur“, ou bien générer
une hallucination encore plus forte (ce que Adams nomme “cognitive
dissonance”, qui se comprend aisément, dont nous ferions, nous, plutôt
“perception faussaire“, voire “perception manipulée par soi-même” pour la faire
correspondre à la narrative à laquelle on est attaché).
Bien entendu, cette “hallucination
encore plus forte”, nous l’interprétons plutôt comme “l’hallucination qui
s’hallucine elle-même”, pour bien marquer qu’il y a un stade important qui
est franchi avec l’élection de Trump et ce qui s’ensuit. L’hallucination
initiale, qui évoluait sur un terrain vierge, sans vérité-de-situation, avec un
système de communication dans sa partie-Système en pleine action, évoluait à
son aise, sans véritable obstacle ; désormais elle doit évoluer avec
l’obstacle énorme d’une vérité-de-situation que même la presse-Système doit
rapporter au moins épisodiquement, et déjà avec quelques
renégats type Robert De Niro qui rétropédalent comme autant
de Bahamontes avalant en sens contraire le col de
l’Aubisque en 1954. Il est donc bien question, ici, non pas de se laisser aller
à l’hallucination, mais de s’halluciner d’une façon volontaire, – donc
effectivement “l’hallucination qui s’hallucine elle-même”.
Bien entendu, Adams croit que nombre
des anti-Trump vont choisir cette option décrite selon nous comme
“l’hallucination qui s’hallucine elle-même”. C’est aussi complètement notre
avis parce qu’on n’apaise pas sa propre hystérie confrontée à une
vérité-de-situation par la reconnaissance de la chose, mais plutôt en y voyant
une machination, une sorcellerie, – un complot si vous voulez, Hitler se
faisant passer au début pour Trump pour mieux être Hitler ensuite, – et l’on en
rajoute dans le sens de la révélation en rajoutant une hallucination nouvelle
et volontaire à sa propre hallucination. Par conséquent, conclut Adams, « Anyway,
enjoy the show » ; ce qui pourrait s’interpréter comme : “Quoi
qu’il en soit, installez-vous dans vos fauteuils pour vous préparer à assister
au spectacle grandiose d’une dynamique considérable dénonçant avec une fureur
redoublée l’hallucination d’une hallucination comme affirmation du plus grand
danger qui nous ait jamais menacés depuis Hitler, euh depuis Trump, euh depuis
Trump-Hitler ou Hitler-Trump”. Dans une contrée annexe, type-Ukraine, ce genre
de dynamique collective de l’hallucination multipliée par elle-même, ou
hallucination au carré, a peu d’importance et on laisse “Kiev-la-folle”
continuer sa danse de Saint-Guy loin des projecteurs ; mais aux USA,
“centre du centre” et centre de toutes chose, Beacon of Freedom &
Enlightment, modèle universel et ainsi de suite, cet aspect du Show
Must Go on ne quittera pas le devant de la scène et ne sera pas sans effets
ni conséquences considérables.
En attendant, voici le texte
de Scott Adams, du 23 novembre sur son site, – et enjoy the
show...
dedefensa.org
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A Lesson in Cognitive Dissonance
Imagine you are one of the
anti-Trump folks who believe we just elected a racist, sexist, homophobic,
anti-semitic, science-denying dictator. Let’s say that’s the movie playing in
your mind. That’s some scary stuff.
Now imagine watching the news as
Trump reveals in slow-motion that he’s flexible and pragmatic on just about
everything. Thomas Friedman at the New York Times just reported that Trump is –
as of yesterday anyway – open-minded about climate-change science, and Trump is
no longer in favor of waterboarding terror suspects.
You also watched Trump move to the
middle on his immigration policies. And you watched as Trump said he plans to
keep the good parts of Obamacare instead of jettisoning it whole.
And you saw Trump say he wasn’t
interested in prosecuting Clinton. Her supporters were worried that Trump was
going to go full-dictator and jail his adversaries. That won’t happen,
apparently.
And Trump also told the New York
Times that they don’t need to worry about changes in libel laws. That means it
will not become easier for people such as Trump to sue them out of business.
That was one of the possibilities that scared people.
The areas in which Trump hasn’t
budged in his opinion seem to be where states’ rights are involved. Trump would
leave it to the courts and to the states to decide on abortion, legal
marijuana, and gay marriage. You might not like the fact that Trump wants the
federal government to stay out of those decisions, but it isn’t very
dictator-like to leave big decisions to the states.
As Trump continues to demonstrate
that he was never the incompetent monster his critics believed him to be, the
critics will face an identity crisis. They either have to accept that they
understand almost nothing about how the world works – because they got
everything wrong about Trump – or they need to double-down on their current
hallucination. Most of his critics will double-down. That’s how normal brains
work.
And that brings us to our current
situation. As Trump continues to defy all predictions from his critics, the
critics need to maintain their self-images as the smart ones who saw this new
Hitler coming. And that means you will see hallucinations like you have never
seen. It will be epic.
The reason this will be so fun to
watch is that we rarely get to see a situation in which the facts so vigorously
violate a hallucination. Before Trump won the presidency everyone was free to
imagine the future they expected. But as Trump continues to do one reasonable
thing after another, his critics have a tough choice. They can either…
1. Reinterpret their self-images
from wise to clueless.
or…
2. Generate an even stronger
hallucination. (Cognitive dissonance.)
If Trump’s critics take the second
option – and most of them will – it means you will see a lot of pretzel-logic
of the type that is necessary hold onto the illusion that Trump is still a
monster despite continuing evidence to the contrary.
Prediction: Expect the anti-Trump
press to continue asking Trump surrogates this question: “Why do you think the
KKK and white nationalists support Trump?”
The question makes sense if you
don’t think about it for too long. But once you realize that Trump has
repeatedly and publicly disavowed those groups, you have to hallucinate
extra-hard to make the racist narrative work. That’s where the
“top-secret-racist-dog-whistle” comes in. You need a theory to explain why the
supposed Racist-in-Chief keeps disavowing racists. How does that make any
sense?
This is where cognitive dissonance
comes in. In order to explain Trump’s disavowal of White Nationalists and the
KKK while holding onto the hallucination that Trump is a dangerous monster, you
have to hallucinate that he is playing a clever game of pretending to be
against racists while secretly planning to purge the earth of all non-orange
people.
That feels unlikely to me. I think
Trump just wants to do a good job for the country, thereby bringing money and
glory to his family name. And he won’t get any of that by being a racist
monster. He only gets that happy ending by being pragmatic and flexible,
exactly as we observe him now to be.
I think the total number of KKK
members is a few thousand people sprinkled across the country. But what matters
more than the absolute number is the trend. The group once numbered over a
million. Now they are a few thousand. Did Trump’s election cause a spike in
recruitment that will have a lasting impact on the long term trend toward zero
membership? I doubt it. But in any case, you have to wonder why the press isn’t
reporting KKK membership trends. Every other part of the story is meaningless
without that one piece of data.
Anyway, enjoy the show. And enjoy
Thanksgiving too.
Scott Adams